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Coronavirus et Covid-19

Depuis décembre 2019, les médias nous parlent plusieurs fois par jour, quasiment en boucle, du nouveau coronavirus et du Covid-19. Au moment où je publie ce billet, à la mi-mars 2020, il existe une très grande incertitude quant au devenir de la pandémie de Covid-19, et il conviendra d’actualiser toutes ces notions lorsque le monde sera sorti de cette déflagration planétaire, tant sur le plan sanitaire qu’économique.

Pour en savoir plus sur les notions d’épidémie et de pandémie, j’incite mes lecteurs à consulter la page tout juste actualisée de mon encyclopédie médicale en ligne, www.vocabulaire-medical.fr, traitant de ce sujet épidémiologique brûlant.

Les notions que je vais développer dans ce billet sont et resteront valides quel que soit le développement ultérieur de la pandémie de Covid-19. Je ne ferai donc aucune prospective, par exemple sur le taux de mortalité, sur un futur vaccin ou de possibles médicaments antiviraux. J’aimerais profiter de l’occasion que je me donne pour rectifier certaines erreurs sémantiques fréquemment commises dans les médias, journaux, radios ou chaînes de télévision. Je me propose de rédiger ce propos sous forme de questions suivies de leur réponse, une « foire aux questions », en quelque sorte. Rien de bien nouveau sur la forme.



Première question : qu’est-ce qu’un virus ?

Un virus est un parasite intracellulaire obligatoire, autrement dit un micro-organisme qui a besoin, pour se répliquer, d’être présent dans une cellule dont il va utiliser le matériel génétique. Les virus sont des organismes acaryotes, c’est-à-dire dépourvus de noyau, d’organites et de métabolisme. Par opposition, les organismes possédant un noyau sont des eucaryotes.

Il existe deux formes de virus : la forme extracellulaire, appelée virion, et la forme intracellulaire. Sous leur forme extracellulaire de virion, les virus sont des objets particulaires infectieux comportant au minimum un acide nucléique (ADN ou ARN), contenu dans une capside protéinique. Sous sa forme intracellulaire, le virus peut s’intégrer à une cellule comme élément dormant, ou au contraire détourner à son profit la machinerie cellulaire de son hôte pour se répliquer.

Quand on dit que le virus peut être présent pendant une durée plus ou moins longue sur tout type de support, notamment la main humaine ou une poignée de porte, on parle de la forme virion. La virémie, quant à elle, désigne la présence sanguine de virions.

Il existe une question à laquelle tous les scientifiques n’apportent pas la même réponse : les virus sont-ils des êtres vivants ? Les virus ne se reproduisent pas ; ils se répliquent. Or la capacité de reproduction est une des définitions de la vie le plus souvent retenue.


Comment classe-t-on les virus ?

Les différents virus connus font l’objet d’une classification, dite de Baltimore, qui les regroupe en sept catégories, selon leur type de génome : ADN ou ARN.

Les coronavirus appartiennent au groupe IV, celui des virus à ARN simple brin à polarité positive. Ce groupe inclut aussi les virus des hépatites A, C, E.

Le groupe V est représenté par les virus à ARN simple brin à polarité négative, comme le virus de la grippe ou le virus Ebola.

Les coronavirus sont parmi les plus gros virus à ARN. Ce nom de coronavirus (du latin « corona », couronne) leur vient de la présence, en microscopie électronique, de protubérances qui évoquent la couronne solaire.


Quelles sont les maladies provoquées par les coronavirus ?

Sur la quarantaine d’espèces recensées de coronavirus, sept peuvent infecter les humains. Les quatre premiers types sont des virus humains, deux du genre alphacoronavirus et deux du genre bétacoronavirus. Les trois autres types de coronavirus sont des virus animaux, hôtes habituels d’une « espèce-réservoir » (souvent la chauve-souris) pour laquelle ils ne sont pas pathogènes, et susceptibles d’infecter secondairement les humains. Les maladies humaines provoquées par ces virus animaux sont donc ce que l’on appelle des zoonoses. Il s’agit, par ordre chronologique, du SRAS, du MERS, et du COVID-19.


Le SRAS

SRAS signifie « syndrome aigu respiratoire sévère », et se dit SARS en anglais (severe acute respiratory syndrome). Le virus SARS-CoV entraîne des infections des voies aériennes supérieures et inférieures, ainsi qu’un certain nombre de banals rhumes saisonniers.

La pneumonie liée à ce virus est apparue pour la première fois dans la province chinoise du Guangdong en novembre 2002, et a pris une forme épidémique en mai 2003. Le virus responsable de ce SRAS a été isolé le 24 mars 2003. Il a reçu dans la foulée le nom de SARS-CoV. Deux semaines plus tard, son génome était totalement isolé. L’épidémie a été déclarée endiguée le 5 juillet 2003. Elle a concerné 8098 personnes dans une trentaine de pays, et provoqué 774 décès. La létalité était donc de 9,5%, largement tributaire de l’âge, les personnes de plus de 60 ans ayant payé un plus lourd tribut que les plus jeunes.

Ce type de chiffres pour le Covid-19 sera certainement disponible rapidement après que l’OMS aura déclaré la pandémie enrayée. Mais quand ?


Le MERS

Le syndrome respiratoire du Moyen-Orient, le MERS (Middle East respiratory syndrome) est provoqué par le coronavirus MERS-CoV, souche découverte en 2012 chez un ressortissant du Qatar ayant voyagé en Arabie Saoudite.

Parmi les 1714 cas recensés par l’OMS en 2016, on a déploré 618 décès, la plupart en Arabie Saoudite.


Le COVID 19

En décembre 2019 la ville de Wuhan, capitale très peuplée de la province chinoise du Hubei (on parle de 11 millions d’habitants pour cette seule ville !) a vu l’émergence d’une pneumonie ressemblant au SRAS de 2003, due à un nouveau coronavirus. Celui-ci a été appelé provisoirement 2019-nCoV (le « n » pour « new »), puis, dès février 2020, SARS-CoV-2, sur le modèle des deux précédents coronavirus responsables d’épidémies de pneumonies. Quant à la maladie provoquée par ce nouveau coronavirus (dont personne ne prononce jamais le nom exact, soit parce qu’on ne le connaît pas, soit parce qu’il est un peu compliqué à énoncer), elle porte dorénavant le nom de Covid-19, le « d » signifiant « disease », autrement dit maladie. Il conviendrait, en toute rigueur, de ne pas confondre le nom de la maladie avec celui du virus qui la provoque, ce que font pourtant sans vergogne tous les spécialistes que l’on entend s’exprimer sur le sujet. Par analogie, la grippe (maladie) est provoquée par le virus de la grippe, qui porte un nom composé de la lettre H suivi d’un chiffre variable d’une année sur l’autre, puis de la lettre N suivie d’un autre chiffre variable, comme le virus H1N1. La grippe provoquée par ce terrible virus H1N1 s’appelle donc, tout simplement, grippe H1N1.

Il est intéressant de noter que la fameuse grippe espagnole de 1918 – 1920, tellement meurtrière, est partie du même foyer, la province chinoise du Hubei, de même que la grande épidémie de peste noire du Moyen Âge. Mais la peste n’est pas une virose. Elle est due à une bactérie extrêmement virulente, Yersinia pestis, découverte en 1894 par le pasteurien Alexandre Yersin. La peste est une maladie du rat, qui se transmet à l’homme par la piqûre des puces du rat. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, elle n’a pas disparu de la surface du globe, puisque, entre 1990 et 2015, près de 50000 cas ont été recensés dans trois continents (l’Afrique, l’Asie et l’Amérique), mais pas en Europe. Les antibiotiques usuels sont efficaces contre Yersinia pestis ; on rappelle qu’ils sont totalement inefficaces contre les virus.

Dans la suite de ce propos, il ne sera plus question que de Covid-19.


En quoi consiste le test diagnostique ?

Un tel test a nécessité le séquençage préalable du génome de ce nouveau virus, information qui a été très rapidement obtenue à partir du moment où le virus a été identifié.

Il s’agit d’un prélèvement naso-pharyngé réalisé à l’aide d’un petit écouvillon par un médecin ou un membre de la profession infirmière. Le prélèvement est analysé par un laboratoire spécialisé, qui va rechercher la présence du matériel génétique du coronavirus. Au départ, seuls des centres de référence pouvaient réaliser le test ; ensuite, les grands centres hospitaliers ; puis, depuis le 8 mars, certains laboratoires privés de biologie médicale.

Mais n’est pas testé qui veut, d’autant que coexistent deux épidémies, la grippe et le Covid-19, qui donnent à peu près les mêmes symptômes. Une simple envie individuelle de savoir si l’on est contaminé ne suffit pas. Tant pis pour les hypocondriaques ! Le protocole gouvernemental indique qu’à l’heure actuelle le test est réalisé « uniquement en cas de suspicion de la maladie, validée par le SAMU et un infectiologue référent ». Parmi les éléments de suspicion, on retient le fait d’avoir été en contact rapproché avec une personne testée positive, ou de revenir d’une zone à risque.

Dans les territoires où la diffusion du virus est très active, les ARS (agences régionales de santé) peuvent lever l’obligation de dépistage systématique, pour ne le réaliser que chez les patients dans un état clinique sévère et les résidents des établissements médico-sociaux.

De nouveaux tests sont en préparation, en France et dans le monde, qui permettront de tester un plus grand nombre de personnes en même temps, avec un réponse plus rapide.

La réalisation d’un test diagnostique est donc plus utile au début de la maladie, pour tenter de l’enrayer en confinant les personnes contaminées, qu’une fois l’épidémie installée. Mais les règles édictées en la matière par les autorités varient beaucoup d’un pays à l’autre. Ainsi la Corée du Sud a fait pratiquer un très grand nombre de tests, qui ont détecté beaucoup de porteurs sains.

Par ailleurs la Corée du Sud, qui avait vécu l’épidémie de SRAS, était bien préparée à affronter le Covid-19.Une précision sémantique s’impose : diagnostique est un adjectif, diagnostic un substantif. Le test diagnostique permet de poser le diagnostic.


Qu’est-ce qu’un porteur sain ? Qu’est-ce qu’un patient « 0 » ?

Un porteur sain est un individu infecté par un micro-organisme pathogène précis (par exemple le virus du Covid-19 ou celui de la grippe), et qui ne présente aucun signe clinique. Autrement dit, il est asymptomatique. Bien entendu, pour qu’un individu soit reconnu comme porteur sain, il faut qu’il ait été soumis à un test biologique détectant chez lui la présence de ce micro-organisme.

Signalons que l’on parle aussi de porteur sain pour les maladies génétiques récessives, le porteur sain de l’anomalie génétique pouvant la transmettre à ses descendants bien qu’il ne soit pas lui-même malade.

Le patient « 0 », également appelé « cas index », est la première personne à avoir été contaminée par l’agent pathogène responsable d’une épidémie. Il peut être porteur sain. Son identification est utile, au début de la propagation, pour tenter d’enrayer celle-ci en repérant les personnes qui ont été en contact avec lui.

Dans le cas de l’épidémie de SRAS de 2002 – 2003, le patient 0 était l’occupant d’une chambre d’hôtel de Hong Kong. Pour le Covid-19, on évoque les clients d’un marché d’animaux sauvages à Wuhan.

Lorsque des cas se déclarent dans un pays jusque-là épargné, les autorités sanitaires tentent d’identifier le patient 0 responsable de cette introduction, vraisemblablement un individu revenant de Chine pour la France, pays assez rapidement touché par le Covid-19.


Quelle est la période d’incubation du Covid-19 ?

La période d’incubation désigne l’intervalle de temps compris entre la contamination par le virus et l’apparition des premiers symptômes. Comme il n’est pas toujours facile de déterminer la date de la contamination, on fait en général partir la période d’incubation (et donc de confinement) du moment où le test diagnostique est revenu positif. Elle varie de 2 à 14 jours pour le Covid-19, de 1 à 3 jours pour la grippe.


Qu’est-ce que le confinement ?

Confiner une personne susceptible d’être contaminée consiste à l’inciter, voire à l’obliger à rester chez elle pendant la durée d’incubation, pour qu’elle ne puisse pas contaminer d’autres personnes. Les mesures de confinement ont commencé, pour le Covid-19, avec la ville chinoise de Wuhan, épicentre de l’épidémie, totalement paralysée. Dans un pays autoritaire comme la Chine, pas question d’échapper au confinement, sous peine de lourdes sanctions policières. Les ressortissants français de Wuhan ont tous été confinés quand ils ont été rapatriés. En Italie, après les deux régions que sont la Lombardie et la Vénétie, c’est toute la population italienne, soit environ soixante millions de personnes, qui a été confinée à partir du 10 mars 2020.

Le confinement est une mesure d’isolement, habituellement appelée quarantaine (quarante jours était la durée prescrite pour la peste). Mais comme dans le cas qui nous occupe, il s’agit d’un confinement de quatorze jours, on parle de quatorzaine. C’est moins joli que quarantaine, mais plus cohérent avec la durée.


Quelle est la contagiosité du Covid-19 ?

Il faut distinguer les notions de contamination, de contagion et de contagiosité.

1) La contamination désigne le fait, pour un individu, d’être infecté par un agent pathogène.

2) La contagion est la propagation d’une maladie infectieuse entre individus d’une même population.

3) La contagiosité, que l’on appelait au début du XXème siècle le « contage », désigne le potentiel de transmission d’une maladie contagieuse d’un individu à un autre. Un patient infecté peut en contaminer un nombre plus ou moins important selon le type de l’agent pathogène. Selon une étude réalisée en Chine au début de l’épidémie, et publiée dans un très prestigieux journal médical américain, le NEJM, on estime que chaque patient infecté contamine en moyenne 2,2 individus. C’est moins que la rougeole, très contagieuse (plus de 12 personnes), un peu moins que le SRAS (3 personnes), mais plus que la grippe (1,3). On retiendra que la contagiosité du Covid-19 est 1,5 fois plus élevée que celle de la grippe. Il semble que les enfants, souvent porteurs sains, soient plus contagieux que les adultes. On pourrait en déduire qu’il n’est pas judicieux, en ce moment, de faire garder les enfants par leurs grands-parents, plus fragiles.


Quelles sont la mortalité et la létalité du Covid-19 ?

Ces deux notions sont souvent confondues, à vrai dire sans grande conséquence. Le nombre de morts est le même dans les deux cas, mais la façon de les comptabiliser est différente. La mortalité (que l’on peut exprimer en valeur absolue ou en pourcentage) désigne le nombre de décès provoqués par une maladie dans une population donnée, pendant une période donnée. La létalité exprime ce même nombre de morts dans la partie de cette population affectée par la maladie, souvent sous forme de pourcentage. Encore faut-il connaître le nombre de patients contaminés, ce qui n’est pas toujours facile et reste largement approximatif. Et, de toute façon, le chiffre définitif ne sera connu qu’à la fin de la pandémie, quand chaque pays aura compté ses morts. Pour l’instant, les chiffres disponibles en France seraient de l’ordre de 0,2% à 0,5% de létalité pour la grippe saisonnière de 2019, contre un peu moins de 2% pour le Covid-19, ce qui ferait de Covid-19 une maladie dont la létalité serait entre 4 et 10 fois plus forte que celle de la grippe. Le Covid-19 n’est donc pas qu’une simple grippe, comme on l’entend parfois dire. La maladie est plus contagieuse, et surtout plus létale. L’imprécision sur les taux de létalité de la grippe saisonnière tient à la difficulté de recenser précisément les cas avérés de grippe.

Par ailleurs il existe d’importantes disparités dans les chiffres annoncés selon les pays, en supposant que tous les pays concernés par le Covid-19 fournissent des chiffres sincères. Par exemple la mortalité semble beaucoup plus importante que la moyenne mondiale en Italie, et nettement inférieure à cette moyenne en Corée du Sud, ces deux pays étant les plus touchés par le Covid-19 après la Chine à l’heure actuelle. La très forte mortalité du Covid-19 en Italie pourrait s’expliquer par des problèmes liés au système de santé italien, peut-être dépassé par les événements (on évoque un nombre insuffisant d’appareils de respiration artificielle). A contrario la mortalité beaucoup plus faible du Covid-19 en Corée du Sud pourrait s’expliquer par le très grand nombre de tests diagnostiques réalisés, notamment dans la population jeune. (Je rappelle que la France a une politique nettement plus restreinte de la pratique du test). En augmentant ainsi, de manière légitime mais un peu artificielle, le nombre de patients contaminés, (dont vraisemblablement une certaine proportion de porteurs sains qui, en toute rigueur, ne doivent pas être inclus dans le calcul de la létalité), on diminue d’autant le pourcentage de morts, donc la létalité, surtout que les décès s’observent essentiellement au sein de la population âgée.

Rappelons le parallèle qu’il est possible d’établir avec les accidents d’avion. L’avion, mode de transport réputé le plus sûr qui soit, est responsable de nettement moins de décès que l’automobile : la mortalité du transport aérien est très faible ; à l’inverse, peu de gens survivent à un crash aérien : la létalité des voyages en avion est très forte. CQFD…


Quels sont les trois stades épidémiques ?

Tous les jours nous entendons dire que la France est au stade 2 de la maladie, et que le passage au stade 3 est imminent. Nous serons peut-être au stade 3 quand vous lirez ce billet. De quoi s’agit-il ? On parle ici de trois niveaux de mesures prises par les autorités pour faire face à la propagation de la maladie. Ces mesures politiques, prises au niveau national (elles diffèrent d’un pays à l’autre), sont décidées en fonction des informations que les experts donnent à nos politiciens sur l’évolution de la maladie dans notre pays.

1) Au stade 1, le but est de freiner l’introduction du virus dans le pays, notamment en imposant des mesures de quatorzaine (une quarantaine de quatorze jours) aux personnes revenant d’une zone à risque, en particulier la province chinoise de Hubei, épicentre de la pandémie. Les autorités sanitaires cherchent à identifier les « patients 0 », à l’origine des autres cas, ainsi que les « sujets contacts ».

2) Au stade 2, il s’agit de freiner la propagation de la maladie, en identifiant les zones de circulation du virus, dans lesquelles on observe la multiplication de cas autochtones, les fameux « clusters », et en appliquant à ces zones des mesures restrictives, comme le confinement, la suppression des visites dans certains établissements de santé, ou l’interdiction d’événements sportifs ou festifs rassemblant un grand nombre de personnes dans un même lieu.

3) Au stade 3, l’épidémie est présente, et il n’est plus possible de l’enrayer. Il faut alors gérer le mieux possible les conséquences de l’épidémie et en atténuer les effets néfastes. Il s’agit de mobiliser l’ensemble du système de santé national pour faire face à la maladie, en attendant que l’épidémie ne reflue spontanément, comme le font toutes les épidémies, même la peste noire (sinon nous ne serions pas là pour en parler).


En quoi consistent les mesures barrières ? Sont-elles efficaces ?

Les mesures barrières commencent à être bien connues, sinon toujours respectées : ne plus se serrer la main ou se faire la bise, rester si possible à un mètre de distance les uns des autres, tousser ou éternuer dans son coude, utiliser des mouchoirs à usage unique, se laver régulièrement les mains, avec un lavage de type chirurgical, utiliser régulièrement de la solution hydro-alcoolique, etc… Mais qu’en sera-t-il quand la pénurie de savon et de solution hydro-alcoolique sera installée ? Et on s’en approche rapidement…

La question de la pertinence du port d’un masque reste en suspens, d’autant que la doctrine des autorités en la matière est évolutive. On se contentera de rappeler qu’il existe deux types de masques, le masque dit chirurgical, que tout le monde connaît, et le masque FFP2, plus efficace, réservé a priori au personnel soignant effectuant des actes invasifs sur les voies respiratoires, et accessible uniquement sur prescription médicale. Le masque chirurgical doit être porté par les personnes atteintes pour qu’elles ne contaminent pas les personnes avec qui elles sont en contact rapproché. En effet, la principale source de contamination par ce virus logé dans les voies respiratoires provient des postillons, qui sont inévitables même si on ne les voit pas. En revanche, et contrairement à une idée largement répandue, ce masque ne protège pas les personnes non atteintes d’une éventuelle contamination. Et, là aussi, la pénurie de masques guette, d’autant plus si le masque est porté sans raison valable, comme c’est souvent le cas.


Quelle est la différence entre une épidémie et une pandémie ?

Cette distinction sémantique est importante à faire, car le terme de pandémie, moins connu que celui d’épidémie, semble très anxiogène pour le grand public, qui ne le connait pas nécessairement, et qui l’entend prononcer à longueur de journée. Une pandémie, dont la définition donnée par l’OMS (Organisation mondiale de la santé) a varié à plusieurs reprises, est une épidémie de très grande envergure, qui dépasse les frontières des états, et touche au moins deux continents.

Signalons une erreur fréquemment rencontrée dans les médias : le terme de pandémie n’est absolument pas corrélé avec le nombre de décès provoqués par une maladie infectieuse. J’ai vu, dans une émission de télévision quotidienne très suivie, une journaliste non spécialisée dans le domaine médical se faire sévèrement tacler par un professeur d’infectiologie pour avoir commis cette erreur (et surtout pour avoir eu l’audace de contredire ce professeur !). Chaque hiver, la grippe est une pandémie, dont tout le monde s’accommode sans que cela ne crée de psychose, sauf quand la pandémie est très sévère, comme cela arrive de temps en temps avec certaines mutations du virus grippal.

L’Histoire a gardé la mémoire de plusieurs pandémies effroyables, notamment la fameuse peste noire du XIVème siècle, qui a tué à peu près la moitié de la population européenne, et la non moins fameuse grippe espagnole, qui a sévi entre 1918 et 1920, et fait infiniment plus de victimes que la Grande Guerre elle-même. La grippe espagnole a été meurtrière du fait de ses complications pulmonaires d’origine bactérienne, si bien que, si l’on avait connu les antibiotiques à cette époque, il y aurait eu beaucoup moins de morts. Mais cela ne doit pas faire oublier que les antibiotiques sont inefficaces contre les virus.

Il est étrange de noter que ces deux pandémies dramatiques sont parties du même foyer que la pandémie actuelle de Covid-19, le centre de la Chine.

De nos jours, les viroses pandémiques concernent avant tout le SIDA et la grippe saisonnière. Et, depuis 2003, il faut rajouter à cette liste les trois pandémies provoquées par des coronavirus d’origine animale : le SRAS, le MERS et le Covid-19, autre forme de SRAS, la dernière en date.

Rappelons également que la variole, pandémie virale responsable de plusieurs centaines de millions de morts jusqu’au milieu du XXème siècle, a été déclarée éradiquée par l’OMS en 1979. Ce succès incroyable, mais complètement occulté de nos jours (surtout par les jeunes qui n’ont jamais entendu parler de la variole), est à mettre à l’actif de la vaccination.

Il est heureux que les épidémies et les pandémies finissent toujours par décroître spontanément. Si ce n’était pas le cas, la grande pandémie de peste noire du Moyen Âge (d’origine bactérienne, je le rappelle), aurait emporté toute la population européenne ; elle a fini par disparaître spontanément après en avoir supprimé environ la moitié.


Dernière question, non des moindres : pourquoi le Covid-19 génère-t-il une telle angoisse dans la population ?

Il est clair que tout n’est pas rationnel, c’est le moins que l’on puisse dire, dans les réactions individuelles ou collectives à cette nouvelle maladie. J’en veux pour preuve le vent de folie qui pousse une partie de la population à faire des stocks de nourriture ou de papier toilette, au risque de provoquer la pénurie.

Quelques mots d’abord sur les fausses informations (les fameuses fake news) que les internautes ou certains médias propagent par bêtise ou par malveillance (voire les deux à la fois), responsables, par exemple, de manifestations d’hostilité insupportables vis-à-vis de Chinois vivant en France depuis longtemps, au moment de l’apparition des premiers cas français en provenance de Chine. Comme si le virus ciblait spécifiquement les Chinois ! Et quand on entend les inepties propagées le plus sérieusement du monde par certaines chaînes de télévision américaines (notamment la calamiteuse chaîne de (dés)information Fox News !), on se dit que les Français ne sont pas si mal lotis que cela en matière d’information.

Cela dit, il me semble qu’il est possible d’identifier plusieurs causes à ce que certains n’hésitent pas à qualifier de psychose.

En premier lieu, la peur de l’inconnu. Il s’agit d’un nouveau virus, dont on se sait rien au départ, même si les connaissances médicales progressent à toute vitesse (je pense en particulier à la rapidité d’élaboration d’un test diagnostique) Et le fait que l’on ne parle plus que de cela, même si c’est, de la part des médias, dans le but louable d’informer au mieux, n’arrange visiblement rien. Informer sans inquiéter est un exercice difficile, surtout quand les spécialistes ne connaissent pas toutes les réponses aux questions que se pose la population.

Ensuite, le manque total de données pronostiques disponibles quant à la durée et la sévérité de cette pandémie est très angoissant, le terme de pandémie étant, je le rappelle, anxiogène par lui-même.

Beaucoup de questions se posent sur la pertinence et la cohérence des mesures prises par les autorités : pourquoi, par exemple, interdire la tenue d’un événement et en autoriser un autre ? Pourquoi les pays réagissent-ils différemment (on pense aux 60 millions d’Italiens confinés : faut-il faire la même chose en France ?). Pourquoi prend on la température frontale des voyageurs aériens dans certains pays, et pas dans le nôtre ? Porter un masque chirurgical sert-il à se protéger quand on n’est pas contaminé, ou à protéger les autres quand on est infecté ? Notre système de santé (que nous apprécions tant) sera-t-il à la hauteur ? Et si une bonne partie des soignants étaient contaminés, et donc confinés, qui soignerait les malades ? Dernière décision en date : la fermeture des crèches, des écoles et des universités sine die ; bonne ou mauvaise décision ? En définitive, toutes ces interrogations peuvent se résumer à deux questions basiques : en fait-on assez ? ou, à l’inverse, n’en fait-on pas trop ? Comme il s’agit de mesures prises par le pouvoir politique, certains trouveront toujours qu’elles ne sont pas adéquates, quand d’autres penseront exactement le contraire. Mais, pour l’instant, il semble régner dans notre pays une bonne adhésion aux mesures, et une certaine cohésion, voire une cohésion certaine, dont on peut prédire qu’elle ne durera pas bien longtemps.

Il faut évidemment citer un facteur majeur d’anxiété, d’ordre non médical celui-là, à savoir les répercussions économiques de la pandémie, à titre individuel sur la situation financière de tout un chacun, en fonction de sa profession, et collectivement, sur une économie mondiale à l’arrêt. Savoir que 90% du paracétamol fabriqué dans le monde l’est actuellement en Chine, pays paralysé par l’épidémie, n’est en soi pas très rassurant. Savoir que les cours de toutes les valeurs boursières « dévissent » un peu plus chaque jour ne l’est pas davantage. Et l’on peut légitimement se demander comment l’économie nationale et mondiale va se relever d’un tel cataclysme.

Avant de conclure ce propos, un mot sur le vaccin. De nombreux laboratoires de par le monde travaillent d’arrache-pied à l’élaboration d’un vaccin, qui ne devrait pas être opérationnel avant 2021. Mais, compte tenu de la méfiance de la population française vis-à-vis des vaccins en général, on peut parier, sans grand risque de se tromper, que ce futur vaccin risque de n’avoir pas plus de succès que le bon vieux vaccin contre la grippe, largement boudé par les Français, et, singulièrement par les soignants, qui devraient pourtant être les plus nombreux à se faire vacciner, ne serait-ce que pour protéger leurs patients.

Et pour conclure, enfin, il faut savoir que le corps médical est régulièrement tenu informé par les ARS, le Ministère de la santé et le Conseil de l’Ordre, ainsi que par la presse médicale. Voilà qui devrait rassurer un peu les personnes inquiètes, d’autant que la plupart de ces informations délivrées aux médecins sont accessibles aux particuliers sur Internet. Donc, si, après avoir lu ce billet, que j’espère plutôt rassurant, mais pas trop quand même, vous avez besoin d’informations supplémentaires, allez sur les sites officiels, et surtout évitez « comme la peste » les forums, car rien n’est plus anxiogène, ni plus pourvoyeur de bêtises (pour rester poli), que les forums dédiés à la santé.

Ce propos devra être actualisé quand l’OMS nous aura dit que la pandémie de Covid-19 est éradiquée. Mais nul ne sait quand ce sera.



Dr C. Thomsen, le 14 mars 2020, 48 heures après l’allocution présidentielle.

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