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Christian Thomsen

La vaccination : pour ou contre ?

Dernière mise à jour : 18 janv. 2020

Comme nul ne l’ignore, la France est championne du monde de la consommation d’antidépresseurs, et aussi du scepticisme vis-à-vis de la vaccination. Et pourtant, si les Français savaient à quel point la vaccination a changé la face du monde, ils y regarderaient à deux fois avant de s’en méfier au point de la refuser systématiquement dans bon nombre de cas. Quel pays singulier que la France, tellement sceptique et pessimiste !

Récemment je me suis amusé à poser une question toute simple à de jeunes médecins (des internes) et de jeunes soignants (des IDE) : savez-vous quelles ont été les maladies les plus meurtrières dans l’histoire de l’humanité ? Personne ne connaissait la bonne réponse, à savoir les maladies infectieuses. Et si je poursuivais l’interrogatoire en demandant, parmi les maladies infectieuses, laquelle a fait le plus de morts durant la même période historique, c’était encore pire. La bonne réponse, que personne n’a donnée, est la variole, plus grande serial killer de l’humanité, pire que la peste dite noire. Ce qui est encore plus incroyable pour un médecin de mon âge, c’est que la plupart de ces jeunes n’avaient jamais entendu parler de la variole, première maladie pour laquelle un vaccin a été mis au point. Cela dit, cette ignorance n’est guère étonnante puisque la variole a été éradiquée de la planète dans les années 1980, grâce à la vaccination systématique, alors que l’on continue, en France, à mourir de la rougeole, maladie pour laquelle il existe pourtant, et depuis longtemps un vaccin très efficace, qui plus est obligatoire.

Qui de nos contemporains ne rêverait qu’un vaccin vienne éradiquer le SIDA ou le cancer ? Et qu’un vaccin finisse par venir à bout de cette terrible parasitose qu’est le paludisme, maladie actuellement la plus meurtrière sur la Terre ? Des recherches sont en cours, mais on est encore loin du but. Et que dire de la grippe, contre laquelle la plupart des soignants ne jugent pas nécessaire de se faire vacciner, au risque de contaminer leurs patients quand ils l’auront contractée ? C’est flagrant dans tous les hôpitaux de France. Personnellement, j’ai accepté de piloter la prochaine campagne de vaccination dans le service de chirurgie et au bloc opératoire de mon hôpital.


Quand les conquistadores espagnols d’Hernan Cortés mirent en coupe réglée l’empire aztèque, qui venait d’être découvert, ils y ont importé, sans le savoir, le virus de la variole, qui a décimé les populations autochtones, au point que, cent ans plus tard, on estime qu’il ne restait plus que 10% de la population initiale ! En échange du virus de la petite vérole (la variole), les Espagnols ont rapporté au pays le tréponème pâle, bacille responsable de la grande vérole, autrement dit la syphilis, jusque-là inconnue en Europe. Mais il n’y a aucun autre rapport entre les deux véroles.

Jenner procédant à la première vaccination

L’histoire de la première vaccination mérite donc d’être racontée. On la doit à un obscur médecin de campagne anglais du nom d’Edward Jenner (1749 – 1823). Dans la région rurale où il exerçait, une croyance avait la vie dure, selon laquelle les filles de ferme ne contractaient jamais la variole. En revanche, elles étaient souvent porteuses de pustules dues à une maladie transmise par la vache, la vaccine en français (la vache se dit vacca en latin), le cow pox en anglais. Selon toute vraisemblance, la vaccine protégeait donc les vachères contre la variole, ce qui est à l’origine du terme vaccination.

Jenner procéda de la manière suivante, qui serait impensable de nos jours en raison du principe de précaution, que nous avons même inscrit dans notre constitution. Il préleva du pus présent dans des pustules que présentait une vachère nommée Sarah, atteinte de la vaccine, et inocula ce pus, par scarification, à un jeune garçon nommé James Phipps. Après avoir constaté que celui-ci avait bien contracté le cow pox, il eut l’audace de lui inoculer, le 14 mai 1796, le contenu d’une vésicule d’un patient mort de la variole. Il démontra ainsi que le jeune garçon n’était plus contaminable par la variole. Il était « vacciné ».

Bonaparte et les pestiférés de Jaffa

Napoléon, qui n’était encore que le général Bonaparte en 1796, trois ans avant qu’il ne devienne Premier Consul, se fit raconter l’histoire de la découverte de Jenner par un célèbre médecin français, le Dr Guillotin, dont le nom reste attaché à l’invention de la guillotine (qu’il avait conçue pour que les exécutions capitales ne soient plus des boucheries, donc dans un esprit humanitaire). Cette sommité médicale de l’époque était un chaud partisan de la vaccination de masse. Il conseilla à Napoléon de fonder, en 1804, la « Société pour l’extinction de la petite vérole par la propagation de la vaccine ».

Quand Napoléon conçut le projet fou d’envahir l’Angleterre, celle-ci était en proie à une terrible épidémie de variole. Il prit donc la décision de faire vacciner sa Grande Armée, mais n’eut pas le temps de réaliser ce projet. Au moment de son abdication, seuls 6000 hommes sur 500000 avaient été vaccinés. Et, cohérent avec lui-même, il avait fait vacciner son héritier, le roi de Rome. Il avait même envisagé de faire vacciner toute la population française, mais ne put mener à bien ce projet, faute de temps.


On voit clairement que les choses ont bien changé, et que, dans l’appréciation de la balance bénéfices/risques, la plupart des Français ne voient plus que les risques potentiels, dont la plupart restent d’ailleurs largement hypothétiques, relayés sur les réseaux sociaux par des fake news qui sont devenues notre quotidien, jusque dans le domaine scientifique. On peut rappeler ici la croisade anti-vaccin hexavalent du Pr Joyeux, autrefois chirurgien oncologue estimé, reconverti dans les rapports entre la nutrition et la santé. Ses prises de position hostiles à la vaccination lui ont valu sa radiation par l’Ordre des Médecins, radiation elle aussi contestée. Tout récemment, il a été impliqué dans une affaire d’essais cliniques menés sans autorisation contre les maladies d’Alzheimer et de Parkinson. Bref, un personnage sulfureux, aux convictions assez souvent rétrogrades, notamment en matière de procréation.


Dr C. Thomsen, novembre 2019

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