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À propos du titre de docteur. Suite, et probablement fin…

Récemment je vous ai fait part du mail un peu agressif reçu via la boite de dialogue de mon site de vocabulaire médical, émanant d’un individu dont l’adresse mail indique qu’il travaille à l’Université Lyon-1. Ce correspondant a réagi rapidement à mon courrier, et je sais maintenant que mon interlocuteur est un très distingué universitaire lyonnais, dont je connais le nom, mais que je garderai bien entendu confidentiel. Il est bardé de diplômes, comme il l’indique dans ce qu’il appelle sa « signature complète ». Voici ses titres universitaires, avec les fautes d’orthographe présentes que j’ai été surpris de trouver dans son mail :

Pr. C. M.

Habilité à Dirigé des Recherches.

Docteur en Chimie Moléculaires.

Agrégé de Chimie

Certifié de Sciences Physiques.


Bref, mon adversaire a de la carrure, et me fait savoir sans ménagement son mécontentement, allant même jusqu’à parler de diffamation de ma part à l’endroit de tous les docteurs universitaires.


Voici l’essentiel de ses propos, dépourvus d’aménité mais non d’ironie :


J'ai beaucoup apprécié que vous ayez pris le temps d'écrire une lettre de deux pages pour m'indiquer combien mon message vous avait déplu et m'expliquer combien j'avais tort. J'ai également noté avec délice que vous utilisiez votre titre de docteur dans cette correspondance tout en me le déniant. Je conviens que mon message n'était pas approprié sur la forme, même s'il reste pertinent sur le fond. Je ne mets pas en doute vos qualités universitaires, ni le titre de docteur que vous avez sans doute obtenu brillamment par l'obtention d'un doctorat en médicine. J'aurais néanmoins espéré que vous étendiez la courtoisie aux docteurs des autres disciplines. Je conviens également que l'utilisation de Wikipédia est une source discutable. J'aurais donc espéré que vous utilisiez des sources plus solides pour étayer vos propos.

Si je vous ai écrit ce message c'est justement que votre blog est « grand public » et a donc vocation à transmettre des informations vérifiées. Mon message volontairement discourtois traduit mon agacement à continuer de voir colporter des erreurs manifestes. J'aurais certainement réagi de la même façon sur un blog confondant le poids et la masse ou d'autres erreurs du type « le véhicule a quitté sa trajectoire ». Mais nos états d'esprits respectifs ne sont pas pertinents et j'aurais souhaité une discussion argumentée. Je crains malheureusement que vous ne soyez pas sensible à la discussion. Quelque soient mes arguments vous ne changerez pas d'un iota le contenu de votre article.

Néanmoins, la question du titre de docteur a été définitivement réglé par la cours de cassation d'Angers en 2009 (Cass. crim. 20 janvier 2009, n° 07-88122) qu'un juriste décrypte dans le blog situé à l'adresse suivante :

Vous noterez que de ne pas reconnaitre le titre de docteur à celui qui détient le diplôme de docteur s'apparente à de la diffamation, quelle que soit la discipline. Vous noterez aussi l'ironie de la signature de l'auteur de ce blog.

Je ne doute pas que votre honnêteté intellectuelle vous conduise à changer un peu le contenu de votre article.


Devant tant d'incompréhension, je n’ai pas pu résister au plaisir de répondre point par point à mon distingué correspondant. Voici cette réponse :


Cher Monsieur,


C’est à mon tour de vous remercier de votre longue réponse.

Elle confirme l’intuition que ce courriel émanait bien d’un universitaire, mais je ne l’imaginais pas aussi éminent. J’en suis vraiment flatté ! Si je précise ce point, c’est que l’adresse mail qui est la vôtre aurait tout aussi bien être celle d’un membre quelconque de l’administration de votre université. Je suis donc totalement rassuré sur la qualité de mon contradicteur.

En fait je ne comprends pas vraiment ce que vous me reprochez. Pourquoi écrivez-vous que j’utilise mon titre de docteur en vous déniant le droit de porter le vôtre ? Et d’ailleurs dans votre « signature complète », vous faîtes mention (avec ironie) de votre titre de professeur. Je me permets une petite remarque à ce propos, dont j’espère que vous ne la jugerez pas impertinente : le point après Pr, tout comme après Dr, est une habitude anglo-saxonne, non validée dans la langue française (j’ai moi-même commis cette faute vénielle dans la signature de mon premier courrier, et je vous en présente mes excuses).

Par ailleurs vous me demandez de bien vouloir corriger les erreurs que contiendrait mon article, mais vous ne précisez pas lesquelles. Si vous le relisez avec attention, vous constaterez que j’explique à mes lecteurs qu’il y a deux catégories de docteurs, ceux qui exercent une profession de santé, et qui ont obtenu le droit de porter ce titre par la soutenance d’une thèse d’exercice, indispensable à la pratique de leur profession, et ceux qui ont obtenu ce droit grâce à la soutenance d’une thèse d’État, dont personne, et surtout pas moi, ne nie qu’elle soit d’un niveau bien plus élevé. Nous sommes donc parfaitement d’accord, et cette polémique entre nous n’a pas lieu d’être.

À aucun moment je n’ai écrit que les médecins seraient propriétaires du titre de docteur, et l’arrêt de la Cour de Cassation que vous signalez, que j’ai lu avec attention, ne me concerne absolument pas. Et je vous rappelle que mon objectif premier est d’expliquer à mes lecteurs, a priori peu familiarisés avec le vocabulaire de la médecine, que « docteur » et « médecin » ne sont pas synonymes.

Quant au fait que les médecins utilisent la civilité « docteur », notamment quand ils se présentent ou dans leur signature (comme j’ai l’habitude de le faire), il ne s’agit que d’un usage et nullement d’un droit exclusif. Les pharmaciens, par exemple, n’utilisent pas en général cette civilité, bien qu’ils soient docteurs en pharmacie. Et vous-même n’utilisez pas la civilité Pr en signant votre courriel.

Je crains que vous ne soyez aveuglé par l’agacement légitime que vous procure la méconnaissance fréquente du droit des universitaires titulaires d’une thèse d’État à porter le beau titre de docteur. Ce n’est absolument pas mon cas, et aller jusqu’à dire que je diffamerais les universitaires est une plaisanterie, que j’aurais pu mal prendre. Mais je préfère considérer que vous m’avez lu en diagonale, et que toute cette polémique n’est qu’un vaste malentendu sans réelle importance.

Je reprends votre terrible phrase : Vous noterez que de ne pas reconnaitre le titre de docteur à celui qui détient le diplôme de docteur s’apparente à de la diffamation, quelle que soit la discipline. Vous comprendrez donc que le ton de ma réponse traduise un agacement au moins égal au vôtre, le mien étant provoqué par le caractère réellement disproportionné du mot « diffamation ».


Très respectueusement,


Dr (j’insiste) C. Thomsen


PS 1 : il me semble que ces deux courriers démontrent parfaitement que je suis sensible à la discussion, quand les arguments auxquels je suis confronté sont valides. Je ne pense pas que ceux que vous exposez le soient.


PS 2 : je ne sais toujours pas ce que vous êtes allé faire sur mon site grand public, à moins que ce ne soit dans le cadre d’une croisade que vous mèneriez contre le mésusage présumé, sur Internet, du beau titre de docteur, dont nous partageons vous et moi le privilège et la fierté de le porter.


PS 3 : Pour que vous ne perdiez pas votre temps à vérifier mes dires en retournant sur mon site, je me suis permis de m’auto-citer :


En fait, un docteur (du latin docere, enseigner) c’est quelqu’un qui a soutenu avec succès sa thèse de doctorat. Mais il faut faire la différence entre la « thèse d’exercice » qui permet d’obtenir le « titre de docteur » en médecine, en chirurgie dentaire, en pharmacie, en biologie ou en médecine vétérinaire, bref dans les disciplines sanitaires, et la « thèse universitaire de doctorat, » qui donne accès au « grade de docteur » dans les autres disciplines universitaires. La seconde thèse est beaucoup plus difficile à obtenir que la première. Mais dans un cas comme dans l’autre, c’est toujours l’université qui décerne le titre ou le grade de docteur.


Voilà qui devrait mettre un point final à notre polémique, qui m’aura donné le plaisir de croiser le fer avec vous.


Je n’aurais jamais imaginé que mon site destiné à expliciter au grand public les subtilités du langage médical m’amènerait à une telle confrontation avec une sommité de l’université française. C'est pourtant le cas...

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