Aide à mourir, euthanasie, suicide assisté, sédation
- Christian Thomsen
- 28 juin
- 3 min de lecture
En 2022 je publiais dans ce blog, Propos de médecin, un article que j’avais intitulé « Sémantique de l’aide à mourir ». Trois ans plus tard ce sujet est toujours d’actualité, d’autant plus qu’un texte de loi dépénalisant l’aide active à mourir, sous forme de « suicide assisté avec exception d’euthanasie », vient d’être adopté en première lecture par les députés, avant de partir faire la navette chez les sénateurs. C’était le 27 mai 2025. Il semblerait que tout ce processus législatif doive prendre plusieurs mois, voire des années, avant d’être définitivement adopté, ou pas...
Le texte qui suit n’a pas pour but d’exprimer mon avis sur la question, mais d’informer le lecteur sur toutes ces questions souvent mal comprises. Il s’intéresse aux aspects sémantiques, mais aussi aux questionnements éthiques soulevés par l’aide active à mourir.
Commençons par les notions sémantiques
Pour l’instant la loi Clayes-Leonetti de 2016, la dernière en date, n’autorise que la « sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès », dont beaucoup ne voient pas ce qui la différencie vraiment de l’euthanasie. La réponse tient dans un simple mot, l’intentionnalité. Il ne s’agit pas de « faire mourir », mais de « faire dormir » le patient en train de mourir de sa maladie incurable, pour que son agonie soit la moins pénible possible. C’est sa maladie qui le fait mourir, et non la sédation, même si celle-ci accélère vraisemblablement le processus. Certes, dans les deux cas, la mort est au bout, et il est permis de penser que la différence entre les deux procédures est assez subtile, ce dont ne se privent pas certains défenseurs de l’euthanasie, notamment en Belgique.
Les pratiques sédatives sont bien connues en soins palliatifs, notamment la « sédation pour détresse », que l’on applique dans des situations d’urgence, et qui peut être maintenue jusqu’au décès si la détresse, le plus souvent respiratoire, ne se lève pas. Mais la « sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès », spécialité bien française (chez nos voisins on parle de « sédation terminale », sans plus de précision), c’est autre chose, et il vaudrait mieux l’appeler « sédation de type Clayes-Leonetti », pour éviter les confusions. Cette sédation d’un type particulier ne s’applique qu’à la demande d’un patient atteint d’une maladie incurable, en toute fin de vie (sa mort est attendue dans les heures ou les jours qui suivent), et dont la souffrance (qu’elle soit physique, psychique ou existentielle) est dite « réfractaire », c’est-à-dire que les médecins n’arrivent plus à la soulager.
Il existe une autre circonstance où cette sédation peut être appliquée, c’est l’arrêt d’un traitement qui maintient un patient en vie, comme la ventilation artificielle. S’il est décidé d’arrêter ce traitement vital, soit collégialement si le patient ne peut pas s’exprimer (patient sous respirateur), soit à la demande du patient encore conscient (maladie de Charcot en fin de parcours par exemple), on sait que la mort arrivera très vite, et la sédation permettra au patient de mourir sans souffrance. La décision à prendre est ici celle d’arrêter un traitement vital, et non pas celle d’appliquer une sédation, qui accompagne toujours la procédure d’arrêt d’un traitement vital. Précisons que 90% des décès en Service de Réanimation surviennent à la suite d’une procédure d’arrêt de traitement, donc avec une sédation.
Malheureusement force est de constater, et je peux en témoigner, que les conditions d’application de cette sédation, en particulier le fait qu’il est indispensable que ce soit le patient qui la réclame, ne sont pas toujours respectées. Et, dans ces circonstances, il ne s’agit pas d’une euthanasie, laquelle doit être aussi demandée par le patient, mais bien d’un homicide !
Ceci étant dit, voyons de quoi il retourne quand on parle d’aide à mourir, quelque soit la façon de nommer la chose, aide active à mourir, aide médicale à mourir, et j’en passe. C’est l’objet de ce fameux texte législatif.
Notons en passant que les soins palliatifs sont, par nature, une « aide à mourir », puisqu’ils ont pour finalité d’accompagner « dignement » le patient jusqu’au bout. Les soins palliatifs sont probablement la meilleure façon d’aider quelqu’un à « mourir dans la dignité », contrairement à ce que proclame l’ADMD.
Lorsqu’un malade souhaite qu’on accède à sa demande d’aide à mourir, il est deux réponses possibles : soit l’euthanasie, comme en Belgique, soit le suicide assisté, comme en Suisse. Pour l’instant ni l’une ni l’autre ne sont légalisées en France. Mais certains, par simplification, appellent euthanasie ces deux modalités pourtant bien différentes. Aucune de ces deux procédures ne pourra être envisagée à la demande de la famille, ce qui ouvrirait des portes dont on souhaite, à juste titre, qu’elles restent hermétiquement fermées.
Dans un prochain article j'expliquerai les différences entre suicide assisté et euthanasie
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