Aide à mourir, sédation, euthanasie, suicide assisté 3
- Christian Thomsen
- 3 juil.
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Dernière mise à jour : il y a 5 jours
La question posée ne porte en réalité pas tant sur les modalités que sur le principe éthique du « droit à l’aide à mourir » : a-t-on moralement le droit d’aider quelqu’un à mourir (sachant qu’il existe des campagnes de prévention du suicide ) ?
Le philosophe Pierre Le Coz, spécialiste d’éthique médicale, formule ainsi la question dans son Petit traité de la décision médicale : « lorsque la qualité d’une vie est trop gravement diminuée, peut-on remettre en question la prévalence de la règle du respect de la vie ? »
Pour certains, la réponse est non, sans équivoque ni exception. C’est en particulier la position de la SFAP (Société française d’accompagnement et de soins palliatifs), société savante des intervenants en soins palliatifs, ainsi que de l’Ordre des médecins. Ceux-ci ont prêté le serment d’Hippocrate, qui leur interdit d’attenter à la vie de leurs patients. C’est aussi, et c’est son rôle, la position de l’Église catholique, pour qui toute vie humaine est sacrée. D’autres pensent que oui, au nom de leur sacro-sainte liberté individuelle (leur « autonomie »), qui, selon eux, leur donne le droit de choisir l’heure et les modalités de leur mort. C’est la position de l’ADMD, Association pour le droit à mourir dans la dignité.
Entre ces deux positions irréconciliables, certains plaident pour une dérogation légale exceptionnelle à l’interdiction de donner délibérément la mort, autrement dit une dépénalisation de l’euthanasie, quelle qu’en soit la modalité. C’est en particulier la position de la majorité du CCNE, Comité consultatif national d’éthique, et celle de la Convention citoyenne sur la fin de vie, reflet de l’opinion publique. Et c’est cette position qui a été adoptée par le texte de loi voté le 27 mai 2025, mais pas encore adopté, faut-il le rappeler. Cependant des voix s’élèvent pour dire qu’une loi doit être votée pour s’appliquer à tout le monde et non pas à des cas particuliers.
Si nous nous comparons à deux pays voisins du nôtre, la Belgique, où l’euthanasie est réalisée par des médecins, et la Suisse, où le suicide assisté est l’affaire d’associations de bénévoles, on constate que le Législateur français a choisi une solution mixte, à savoir un suicide assisté à la charge du corps médical et infirmier. Il est probable que la plupart des membres de ces deux professions accepteront difficilement de réaliser des euthanasies ou des suicides assistés, surtout s’il s’agit de médecins travaillant dans les soins palliatifs, très hostiles à l’idée d’aider à donner la mort. Ils l’ont fait savoir par le truchement de la SFAP, leur société savante.
Une précision s’impose : le « droit à l’aide à mourir » ainsi institué par la loi serait-il un « droit-liberté » (le droit de) ou un « droit-créance » (le droit à) ?
En faveur du droit-créance, l’intitulé même de la proposition de loi, et le fait que ce droit impliquerait une obligation de l’État de permettre ou d’accompagner cette démarche. Cependant le droit à l'aide à mourir pourrait aussi être considéré comme un droit-liberté, du fait qu'il concerne la liberté de chacun de disposer de sa vie. C’est ce que souhaiteraient les tenants d’une « éthique minimale », comme le philosophe Ruwen Ogien (1949-2017), qui soutenait dans ses écrits que le seul interdit moral est de nuire à son prochain, tout le reste étant légitime.
Lorsque l’on pose au personnel soignant d’une équipe de soins palliatifs la question suivante : « que pensez-vous de la possible dépénalisation de l’aide à mourir ? », chaque soignant(e) commence sa réponse en disant ce qu’il (elle) ferait si la question s’adressait à lui (elle) ou à un membre de sa famille. Or ce n’est pas la question posée. La réponse à cette question doit être universelle et non pas individuelle. C’est le principe moral défendu au XVIIIème siècle par le grand philosophe allemand Emmanuel Kant, et qui reste toujours d’actualité. Et, pour Kant, la dignité fait partie intégrante de notre humanité et ne peut donc pas être perdue, contrairement au « sentiment de dignité » (celui dont parle l’ADMD).
Chacun se fera son opinion mais, si le droit à l’aide à mourir est définitivement voté, il s’imposera à tous, notamment aux médecins et aux soignants, qui auront cependant la possibilité de faire jouer leur « clause de conscience ».
En effet, comme l’écrit le philosophe Pierre Le Coz, spécialiste d’éthique médicale, « Un médecin ne peut acquiescer à une règle de droit que s’il a pleinement conscience de sa validité éthique. « (Le médecin et la mort)
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