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Darwin viendra-t-il ?

Dernière mise à jour : 27 sept. 2020


Luc Périno

J’ai eu récemment la chance de faire la connaissance « virtuelle » de Luc Perino, éminent médecin-écrivain, et j’ai choisi d’aborder son œuvre littéraire par son roman « Darwin viendra-t-il ? », publié en 2008 aux éditions Le Pommier, qui raconte le fameux « débat d’Oxford » qui s’est tenu le 30 juin 1860 autour du tout nouveau livre de Darwin (1), De l’Origine des espèces (2), consacré à l’évolution des espèces animales (3) par le biais de la « sélection naturelle » (4). Bien qu’il s’agisse d’un roman, tous les personnages (sauf Arthur, l’intendant du musée d’Histoire naturelle qui assiste le conservateur John Phillips) sont réels, et les faits cités sont authentiques. Il s’agit donc de ce que l’on appelle maintenant une exofiction, genre littéraire popularisé par Laurent Seksik avec son roman Les derniers jours de Stefan Zweig, paru en 2009. Le livre de Luc Périno, moins connu, est cependant antérieur d’un an à celui de Laurent Seksik, que l’on ne peut donc pas considérer comme le créateur du genre, comme je l’ai trouvé écrit.

Tous les intervenants se demandaient avec curiosité si Darwin serait présent au débat, pour défendre sa théorie, ce qui explique le titre un peu énigmatique du livre, et donc celui de mon billet.

Charles Darwin

Toute cette histoire, qui a fini par appartenir à la légende de la science, commence avec la sortie du fameux livre de Charles Darwin, que l’on appelle dorénavant L’Origine des espèces (titre de la sixième édition de 1872, la dernière corrigée par Darwin de son vivant). Les 1250 exemplaires de la première édition, parue le 24 novembre 1859, ont tous étaient vendus le premier jour, chose incroyable pour un livre scientifique. L’éditeur Murray fit alors tirer à 3000 exemplaires la deuxième édition, sortie en janvier 1860 : même incroyable succès !

Dès lors la British Association for the Advancement of Sciences (5) décidait de mettre à l’honneur la zoologie à l'occasion de son prochain meeting annuel, qui se tiendrait dans le tout nouveau Musée d’Histoire naturelle d’Oxford (6). Et une séance serait consacrée exclusivement au livre de Darwin. Cette séance, qui s’est tenue le samedi 30 juin 1860 dans la plus grande salle du musée, est passée à la postérité sous le nom de « débat d’Oxford ». Elle a été organisée par le co- fondateur et conservateur du musée, le géologue John Phillips (7 à 10), antidarwinien. La présidence de la séance a été confiée à John Stevens Henslow (11), mentor et ami fidèle de Darwin (lequel avait été son meilleur élève), après la rétractation de Richard Owen qui aurait dû l’exercer en tant que président de la B.A.A.S.

Henslow, pasteur anglican (12), était un brillant botaniste qui avait permis à Darwin de faire le tour du monde sur le Beagle (13), commandé par Robert Fitzroy (14). Toute sa vie Darwin voua à Henslow une affection quasi filiale. La fille de ce dernier, Frances (15), avait épousé Joseph Hooker, le meilleur ami de Darwin. En tant que président de séance, Henslow se devait d’être neutre. Il n’était pas un ardent défenseur des thèses de son ancien élève, mais s’était toujours montré ouvert à ses idées. En somme, un esprit pondéré, tout le contraire d’un idéologue, et le candidat idéal pour une présidence de séance.

Du côté hostile à Darwin, le principal intervenant était l’évêque d’Oxford et doyen de Westminster Samuel Wilberforce (16), réputé pour la puissance de sa parole et la vivacité de son intelligence. Il fut dans sa jeunesse adhérent du Mouvement d’Oxford (17), ce qui aurait pu lui coûter sa brillante carrière dans la hiérarchie de l’Église anglicane. Il était un adversaire acharné de Darwin et encore plus de son jeune disciple Huxley.

L’autre grand adversaire de Darwin était Richard Owen (18), superintendant du département d’Histoire naturelle du British Museum, et président en exercice de la B.A.A.S. Owen était un partisan inconditionnel de Cuvier (19) et de sa théorie du fixisme (20) établie par le naturaliste suédois Carl von Linné (21).

Le côté favorable à Darwin était peu fourni mais bien représenté, notamment par Thomas Henry Huxley (22), jeune et brillant scientifique dans de nombreux domaines, athée notoire et militant. Il fut l’un des premiers et des plus ardents défenseurs des thèses de Darwin, au point d’être surnommé « le bouledogue de Darwin ».

Le premier partisan de Darwin, son plus fidèle ami, était Joseph Dalton Hooker (23), botaniste de renom. Au moment du débat, Hooker était le président en exercice de la Royal Society (24).

De nombreuses personnalités assistèrent à ce débat, qu’elles fussent hostiles ou favorables à Darwin. Au nombre des scientifiques présents on comptait beaucoup de pasteurs anglicans, comme Henslow. Jusqu’à Darwin, science et religion faisaient à peu près bon ménage.

Par ailleurs ce débat est contemporain des débuts du télégraphe électrique de Morse, qui joue un rôle non négligeable dans cette histoire.

Les différents chapitres du livre mettent en scène, à tour de rôle, les principaux protagonistes de ce débat, qui sont tous des personnages réels, hormis Arthur, l’intendant du musée.

Les préparatifs du débat

John Phillips, conservateur du musée d’Histoire naturelle d’Oxford, et l’intendant Arthur

Musée d'Histoire naturelle d'Oxford

Arthur, le jeune intendant du musée, est chargé d’aider John Phillips dans l’organisation de cet événement qui s’annonce considérable. Ils se demandent tous deux combien de personnes seront présentes à ce débat, et s’ils tiendront tous dans une salle de ce musée tout neuf, dont John est un des fondateurs et le premier conservateur. Ils se posent surtout la question de savoir si Darwin sera présent pour défendre son livre. Des rumeurs sur sa santé laissent penser qu’il pourrait ne pas assister au colloque.

John Phillips fait partie du clan hostile à Darwin. En 1832, un an après la création de la B.A.A.S., il en était devenu le secrétaire. Mais à la fin de 1859, six mois avant le débat, il avait donné sa démission au lendemain de la sortie du livre de Darwin. En effet depuis quelques temps il s’était alarmé de voir surgir des querelles de type religieux autour de la paléontologie, discipline récente qui remettait en cause le récit biblique de la Création.

Les ouvrages des Français Lamarck (25) et Geoffroy Saint-Hilaire (26), ainsi que les écrits d’Erasmus Darwin (27), le grand-père de Charles, défendaient le concept de transformisme des espèces (28), opposé au fixisme du Suédois Linné et du Français Cuvier.

Le conflit latent entre science et religion au sein de la B.A. était devenu patent à la sortie du livre de Darwin. Et, après avoir entendu Richard Owen tirer à boulets rouges sur ce « monceau d’inepties » qu’était, selon lui, De l’Origine des espèces, Johns Phillips, bien qu’hostile aux thèses de Darwin, avait pris la décision de donner sa démission de secrétaire de l’Association.

Joseph Dalton Hooker et sa femme Frances


Joseph Dalton Hooker

Joseph Hooker, le meilleur ami de Darwin, hésite à informer le conservateur que Darwin lui a annoncé qu’il n’avait pas l’intention de se rendre au colloque organisé par la B.A. autour de son livre, car il se dit fatigué. De plus, Hooker sait que Darwin déteste les conflits et encore plus les louanges. Par ailleurs il pressent que son orgueilleux ami est certain que ses idées finiront par triompher naturellement, et qu’en conséquence il ne voit pas l’intérêt qu’il aurait à en débatte avec ses adversaires.

Hooker demande conseil à sa femme Frances, la fille du révérend Henslow. Elle est convaincue qu’il est parfaitement illusoire d’essayer de convaincre Darwin de revenir sur son refus, dont il n’a même pas pris la peine d’informer les organisateurs du colloque, qui, manifestement, ne l’intéresse pas.

Joseph se remémore avec nostalgie les débuts de son indéfectible amitié avec le grand homme, chez qui il a rencontré son épouse. Se jugeant piètre polémiste, il décide de s’effacer derrière le bouillant Huxley pour défendre publiquement les thèses de leur ami.

Le sermon de Samuel Wilberforce

Samuel Wilberforce

Avant de prononcer son sermon du dimanche 24 juin, Samuel Wilberforce a demandé au révérend Henslow de le confesser après l’office, auquel ce dernier assistera. Il sait en effet qu’il cède trop souvent au péché d’orgueil tant il manie bien l’art oratoire. Son prêche portera sur le thème d’actualité des rapports entre la science et la foi. En attendant, il se remémore les étapes de sa brillante carrière universitaire et ecclésiastique, qui aurait pu être compromise par une erreur de jeunesse, son adhésion au Mouvement d’Oxford du futur cardinal Newman. Mais il a réussi à devenir le très respectable évêque d’Oxford et doyen de Westminster.

Pendant son sermon, Samuel fait une lourde allusion à peine voilée aux travaux de Darwin, qu’il condamne avec force sans nommer ni Darwin, scientifique torturé dans sa foi par le doute, ni Huxley, athée désireux d’en découdre avec la religion (ce dernier ne forgera le terme d’agnosticisme qu’en 1869).

Wilberforce connaît Darwin, et a de lui une opinion plutôt bonne car il ne l’a jamais entendu critiquer ni l’Église ni les prélats. Mais il déteste Huxley.

L’office terminé, Wilberforce et Henslow se retrouvent à la sacristie pour la confession prévue du premier par le second, qui se respectent mutuellement. Après quoi Wilberforce demande à Henslow s’il a lu le livre de Darwin, et lui annonce qu’il doit représenter l’autorité religieuse pendant le débat. De son côté, Henslow se dit troublé par les thèses de Darwin. Il explique à Samuel comment Darwin situerait l’intervention divine : le Créateur aurait mis en place des modèles simples de toutes les formes vivantes possibles, qui auraient ensuite la capacité de varier en fonction de leurs interactions avec l’environnement. Cette variabilité (29) et la longue action du temps seraient donc le moteur de l’évolution des espèces. Henslow précise ensuite à son interlocuteur que c’est Darwin lui-même qui a émis, dans son livre, les principales objections à ses propres thèses, preuve de son indiscutable honnêteté intellectuelle. En réalité, Henslow avoue à Wilberforce son admiration pour Darwin, ce qui n’implique pas son adhésion à sa théorie. Et il précise bien que Darwin ne parle pas de l’homme dans son livre.

Pour terminer l’entretien, Wilberforce demande à Henslow son opinion sur Owen. Sa réponse est mitigée, et il pense que l’inimitié d’Owen vis-à-vis de Darwin n’est pas que d’ordre scientifique. Et, en guise de conclusion, il imagine qu’Owen pourrait ne pas assister au débat, au grand désarroi de l’évêque. Si cette absence devait être effective, c’est Henslow qui assurerait la présidence de séance, fonction pour laquelle, en toute modestie, il s’estime incompétent.

Joseph Hooker rend visite à Charles et Mary Lyell

Charles Lyell

Joseph Hooker vient solliciter le soutien de son illustre aîné Charles Lyell (30) en vue du débat. Lyell domine la géologie mondiale depuis trente ans. C’est lui qui a émis, avec son compatriote écossais James Hutton, la théorie géologique de l’uniformitarisme (31), en opposition avec l’ancienne théorie de Cuvier et Buckland, le catastrophisme (32). Darwin est leur ami commun, et ils l’admirent tous les deux. Lyell, Darwin et Hooker ont défendu l’idée que l’âge de la Terre était supérieur à cent millions d’années, voire à trois cent millions pour Darwin. On est vraiment à des années-lumière de l’affirmation du fondamentaliste biblique James Ussher, primat d’Irlande qui, au XVIIème siècle, avait décrété que la Création avait eu lieu dans la nuit du 22 au 23 octobre de l’an 4004 avant J. C. ( !). Depuis cette affirmation délirante, les adeptes du créationnisme (33) répètent à l’envi que le Monde a été créé il y a 6000 ans.

Lyell et Hooker avaient vivement incité Darwin à ne pas se laisser prendre de vitesse par le jeune Alfred Wallace (34) qui avait publié en 1855 un article dans lequel il défendait les mêmes idées que Darwin. Il leur fallut attendre 1859 pour que le livre de leur ami, fruit de vingt ans de réflexions, paraisse enfin Entretemps Darwin avait eu le chagrin de perdre son dernier fils, âgé de 18 mois, ce qui l’avait profondément abattu, et retardé la parution du livre.

Hooker explique à Lyell qu’il est certain que Darwin ne sera pas présent au débat pour défendre son livre. Il exhorte donc Lyell à assister au colloque. Ce dernier lui répond qu’il avait la ferme intention de ne pas s’y rendre, mais que, devant l’instance de sa femme Mary, il envisage d’y assister en simple spectateur, surtout pas en tant qu’orateur. En réalité Lyell ne sera pas présent au débat.

Mary émet une hypothèse intéressante pour expliquer l’absence annoncée de Darwin au colloque. Elle pense que c’est par respect pour la foi profonde de son épouse Emma, qui est aussi sa cousine germaine, que Darwin hésite autant à défendre publiquement sa théorie. Elle développe en particulier l’argument que Darwin ne peut pas afficher son athéisme à la face du monde alors qu’il n’est même pas capable de l’avouer à sa femme. Elle pense même que Darwin aurait probablement préféré que son livre soit posthume, pour protéger Emma. Elle évoque aussi l’hypothèse que les scientifiques hostiles aux thèses de Darwin pourraient être, au moment du débat, des adversaires plus déterminés que les ecclésiastiques.

Et, pour plaisanter, elle exprime l’idée qu’elle-même pourrait se rendre au colloque sans son mari, pour faire sortir les femmes de l’ombre, leur place naturelle dans la bonne société victorienne.

Arthur fait d’intéressantes rencontres

Herbert Spencer

Le lundi 25 au matin, Arthur consulte la liste des personnalités qui ont annoncé leur participation au meeting, qui devrait être un véritable succès. Mais c’est surtout la section D, celle de zoologie, qui s’annonce la plus prometteuse. De très nombreux scientifiques en provenance du monde entier sont attendus, et aussi des écrivains, comme Charles Dickens, ou encore des philosophes, notamment John Stuart Mill. Même le célèbre Français Louis Pasteur devait venir. Malheureusement il a dû ensuite se dédire. C’est vraiment dommage, car il aurait pu parler de ses travaux en cours visant à réfuter la génération spontanée, qu’il ne publiera que l’année suivante. Il est clair que c’est la séance du samedi 30, dédiée au livre de Darwin qui attire le plus de monde.

Le premier participant qu’Arthur rencontre est Herbert Spencer (35), érudit aux multiples talents, adepte de

Clémence Royer

l’évolution. Il va ensuite faire la connaissance de Clémence Royer (36), qui se présente comme une admiratrice de Darwin dont elle a l’intention de traduire le livre en français. Bien entendu Arthur ne peut pas le savoir, mais ces deux enthousiastes seront en partie responsables d’une dérive malheureuse de la théorie de la sélection naturelle, qu’on appellera ultérieurementle « darwinisme social » (37).

Puis Arthur entend le bruit d’une vive altercation. Ce sont Thomas Huxley et Richard Owen qui se querellent, comme d’habitude, sur la parenté supposée par le premier entre le gorille et l’homme, vivement réfutée par le second. Arthur sait parfaitement que le livre de Darwin ne parle pas de l’homme. Ce n’est donc pas lui qui est directement à l’origine de cette théorie vivement critiquée. Mais il suppose (avec raison) que cette question sera au cœur du débat de samedi.

Les retrouvailles de B. Waterhouse Hawkins et de Richard Owen

Iguanodon

Benjamin Waterhouse Hawkins, dit B.W.H. (38) a fait la connaissance du célèbre paléontologue Richard Owen peu de temps avant la grande Exposition universelle de Londres de 1851, et cette rencontre a changé sa vie, en particulier parce que ses premières représentations sculptées de dinosaures avaient été exposées dans le fameux Crystal Palace, le gigantesque palais de verre démontable construit spécialement pour l’Exposition universelle. Il a la chance de tomber sur lui par hasard et la conversation s’engage entre les deux hommes, qui ne se sont pas vus depuis plusieurs années. Elle tourne autour de la discussion animée qu’Owen vient d’avoir avec Huxley. Owen explique à son cadet que Thomas Huxley va beaucoup plus loin que Darwin en incluant l’Homme dans sa théorie de l’évolution des espèces. Huxley prétend qu’il y aurait eu un saut évolutif entre les singes et l’Homme, ce qui agace profondément Owen. Il avance un argument qu’il croit définitif : il a lui-même décrit une structure anatomique présente dans le cerveau humain, et absente du cerveau du singe, l’hippocampus minor. Il poursuit en précisant à son interlocuteur que la mauvaise foi du sieur Huxley va jusqu’à nier l’existence de cette structure (dont il ne peut pas savoir que des travaux anatomiques ultérieurs montreront effectivement qu’elle n’existe pas) ! Et il continue à expliquer que certaines espèces crées par Dieu ont certes disparu, comme les dinosaures, mais qu’elles ne se sont pas transformées puisqu’aucun animal actuel ne ressemble à un dinosaure, et qu’aucun fossile n’a été retrouvé d’un animal qui serait un intermédiaire entre les dinosaures et les animaux de notre époque. Et, pour finir, il informe B.W.H. qu’il ne présidera pas le prochain débat car son hostilité à la théorie de Darwin est top connue, ce qui déséquilibrerait le débat. Il a l’intention de laisser cet honneur au révérend Henslow, un ami de Darwin qui saura se montrer neutre. Et son propre camp sera représenté par le redoutable évêque d’Oxford, Samuel Wilberforce.

Richard Owen et Samuel Wilberforce se concertent

Les deux hommes se sont donné rendez-vous dans les bureaux de The Quarterly Review (39), non seulement pour poursuivre la rédaction commune d’un long article destiné à mettre à mal l’argumentation de Darwin, article qui doit paraître en juillet, mais aussi pour préparer le débat du 30, qu’Owen doit présider et auquel l’évêque participera comme invité surprise, sa présence devant honorer cette manifestation.

Wilberforce n’a pas encore lu complètement le livre de Darwin, et il a demandé à Owen de lui en faire un résumé détaillé. Il s’agit donc pour eux d’articuler judicieusement les parties scientifiques et théologiques de leur article. L’évêque tient à s’assurer qu’Owen est parfaitement convaincu, sur un plan strictement scientifique et non pas théologique, que Darwin se trompe. Owen remet alors à Wilberforce une lette que Darwin lui a adressée au moment de la sortie de son livre, fin 1859. Il lui avait écrit avoir demandé à son éditeur, Murray, de lui adresser un exemplaire de son livre, en précisant ses craintes que son livre ne paraisse abominable à ses yeux. Owen confirme à l’évêque que, selon lui, le livre de Darwin est un fétu de paille qui sera bientôt oublié.

Après avoir bien avancé dans leur travail préparatoire, Owen assène un coup de massue à Wilberforce en lui annonçant qu’il ne pourra pas, pour raisons familiales, participer au débat qu’il devait présider. La présidence sera donc assurée par son vice-président Henslow. Wilberforce, qui se sent trahi, propose que le président soit assisté de deux vice-présidents, Huxley pour soutenir la théorie de Darwin, et lui-même pour en assurer la contradiction, bien qu’il ne soit pas un scientifique. Mais, après tout, près de la moitié des scientifiques membres de la B.A. sont des pasteurs anglicans. Il lui faut donc connaître à fond les arguments scientifiques destinés à réfuter la théorie de Darwin. Le débat ne doit absolument pas se placer sur un plan théologique.

Emma Darwin et les orchidées

Emma Darwin

Joseph Hooker, l’indéfectible ami de Darwin, se rend à Down House, la résidence campagnarde de Darwin, dans l’espoir très ténu de convaincre Darwin d’assister au débat pour défendre lui-même son livre. Il est reçu par Emma (40), l’épouse de Darwin, qui lui confirme que Darwin est souffrant. Sa santé a toujours été fragile, et l’on ne sait pas bien si ses troubles fonctionnels fréquents sont dûs à une maladie chronique ou d’origine psychologique. Emma, dont la foi est très profonde, émet l’hypothèse que les troubles dont souffre son mari pourraient être liés aux tourments de sa foi. Lorsque leur fille Annie, âgée de 10 ans mourut, en 1851, les symptômes de Charles s’accentuèrent, et il avoua alors à Emma qu’il ne trouvait aucun réconfort dans la religion. Et ses travaux scientifiques l’ont éloigné progressivement de la foi.

Charles, qui ne se sent pas en état de rencontrer son ami, a demandé à Emma d’accompagner ce dernier sur son sentier de promenade habituelle, ce Sandwalk où il a fait tant d’observations scientifiques, pour qu’elle lui montre une orchidée nouvellement apparue sur ce sentier. Darwin s’intéresse en effet à la possible coévolution des fleurs et des insectes, l’anatomie des papillons s’adaptant parfaitement à la forme des fleurs. Et il prépare un livre sur la question, La Fécondation des orchidées (41) qui paraîtra en 1862.

Emma et Hooker évoquent alors Owen, que Darwin considère comme le plus grand paléontologiste de son temps. Mais l’animosité d’Owen à l’encontre de Darwin est telle que ce dernier est probablement la seule personne que Darwin déteste réellement. En se quittant Emma annonce à Hooker que son mari doit se rendre le jour même dans un établissement thermal pour se soigner. Ce séjour sera l’excuse officielle à l’absence de Darwin.

Robert Chambers et Thomas Huxley

Robert Chambers

L’Écossais Robert Chambers est un personnage complexe, aux multiples talents : naturaliste amateur passionné et compétent, écrivain, journaliste, libraire et éditeur. Il a fondé avec son frère les réputées Éditions Chambers, et il aurait bien aimé être l’éditeur du livre de Darwin, que ce dernier avait promis à son rival Murray. Et surtout il est l’auteur resté anonyme d’un best-seller de la vulgarisation scientifique, Vestiges de l’histoire naturelle de la création, paru en 1844 avec un point d’interrogation en lieu et place du nom de l’auteur. Seul un tout petit nombre de fidèles de Chambers savent qu’il est l’auteur de ce livre, qui préfigure celui de Darwin. Mais, lors d’une visite à Darwin, ce dernier lui fera comprendre qu’il a deviné que son visiteur n’est autre que l’auteur mystérieux de ce livre qui continue à très bien se vendre. Et Darwin gardera le secret.

Huxley, encore chamboulé par la polémique de la veille avec Owen, fait part à Chambers de son appréhension. Il envisage même de ne pas se rendre au colloque. Puis, après une tirade sur les primates (le premier gorille vivant, une femelle, arriva au zoo de Londres en 1855), dont il est un spécialiste, il finit par se décider : il sera bien présent au débat du lendemain, quitte à se faire tailler en pièce par Owen, dont il ne sait pas encore qu’il sera absent.

On connaît maintenant le nom des participants au débat qui va bientôt se tenir. Comme beaucoup s’y attendaient, Darwin ne se rendra pas au colloque, pour raisons de santé. En revanche l’absence de son grand adversaire Richard Owen, qui devait présider la séance, est beaucoup plus inattendue, et sa cause reste mystérieuse. C’est le neutre Henslow qui présidera, assisté de Huxley pour le clan des « pro-Darwin », et de Wilberforce pour le clan adverse.

Ce débat qui s’annonce houleux et passionnant, sera exposé dans la suite de ce billet, intitulé « Et Darwin n’est pas venu ».

Notes de la première partie

1. Charles Darwin (1809 – 1882) : naturaliste et paléontologue anglais dont les travaux sur l'évolution des espèces vivantes ont révolutionné la biologie avec son ouvrage majeur De l'Origine des espèces paru en 1859. Rendu très célèbre au sein de la communauté scientifique de son époque par ses travaux sur le terrain et ses recherches en géologie, il adopta l'hypothèse émise un demi-siècle auparavant par le naturaliste français Lamarck selon laquelle toutes les espèces vivantes ont évolué au cours du temps à partir d'un seul ou de quelques ancêtres communs. Il a soutenu avec Alfred Wallace l’idée que cette évolution était due au processus dit de « sélection naturelle ».

Sa théorie prit vers la fin des années 1860 le nom de « darwinisme », devenu actuellement quasiment synonyme de théorie de l’évolution.

2. De l’Origine des espèces (On the Origin of Species) : livre fondateur de Charles Darwin publié en 1859, qui fait de l'évolution à partir d'une ascendance commune l'explication scientifique dominante de la diversification des espèces naturelles. Le livre connut un succès retentissant dès sa première édition parue en novembre 1859, rapidement suivie d’une deuxième édition en janvier 1860.

Le livre a connu six éditions en anglais du vivant de Charles Darwin, entre 1859 et 1872. Le titre de la première édition était « On the Origin of Species by Means of Natural Selection, or the Preservation of Favoured Races in the Struggle for Life » (en français « De l'origine des espèces au moyen de la sélection naturelle, ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie ». Le titre de la sixième et dernière édition revue et corrigée par Darwin était légèrement différent : « The origin of species by means of natural selection, or the preservation of favoured races in the struggle for life ». En français il est d’usage d’appeler le livre par le titre de cette sixième édition, L’Origine des espèces, et non plus par celui de l’édition princeps, De l’Origine des espèces.

Le livre ne traite pas de l’homme, et encore moins d’une quelconque filiation entre le singe et l’homme, hypothèse émise par son disciple le primatologue Huxley.

3. Évolution, évolutionnisme : ces deux termes ne seront utilisés que plus tard, après l’apparition de la génétique, pour rassembler les sciences du vivant.

4. Sélection naturelle : c’est l’expression utilisée par Darwin pour désigner sa théorie. Elle figure dans le titre des différentes éditions de L’Origine des espèces. C’est devenu la dénomination officielle de la théorie darwinienne.

Pour la première traduction française, Clémence Royer avait choisi l’expression « élection naturelle », qui n’a pas été conservée.

5. La British Association for the Advancement of Sciences, la B.A.A.S, ou encore la B.A., voire tout simplement l’Association (en français l’Association britannique pour le progrès de la science) a été créée en 1831. En 2009 elle a été rebaptisée British Science Association (Association britannique pour la science), en abrégé BSA.

Au moment des faits, la B.A. comptait en ses rangs environ 40% d’ecclésiastiques, car il était très fréquent que les scientifiques soient également pasteurs anglicans.

C’est à l’occasion de son meeting annuel que fut organisé le fameux débat d’Oxford. Au moment des faits, elle était présidée par le plus virulent des antidarwiniens, Richard Owen.

6. Le Musée d’Histoire naturelle de l’université d’Oxford est parfois appelé plus simplement le Musée de l’université d’Oxford. Sa construction fut initiée en 1855 par Henri Acland, avec le soutien du célèbre critique d’art John Ruskin. Johns Phillips en fut le premier conservateur.

7. John Phillips (1800–1874) : géologue, il accompagna autrefois William Smith, dont il épousa la sœur, dans le voyage qui permit l’élaboration de la fameuse carte géologique de l’Angleterre. Il succéda au révérend William Buckland à la chaire de géologie. Il était aussi conservateur du prestigieux Ashmolean Museum d’Oxford.

8. William Smith (1769 – 1839) : considéré comme le « père de la géologie anglaise », il publia en 1815 la première carte géologique détaillée du Royaume-Uni. Il était le père adoptif de John Phillips.

9. William Buckland (1784 – 1856) : grand géologue et doyen de Westminster, il fut le prédécesseur de John Phillips à la chaire de géologie d’Oxford. Lecteur fondamentaliste de la Bible, et donc antidarwinien, il fut le co-auteur du « catastrophisme », théorie géologique expliquant la transformation des reliefs par de grandes catastrophes géologiques comme le déluge biblique.

10. Ashmolean Museum d’Oxford : l'Ashmolean Museum d’Oxford, fondé en 1683, est le plus ancien musée universitaire au monde.

11. John Stevens Henslow (1796 – 1861) était président de séance lors du débat. Brillant botaniste et pasteur anglican, il fut le professeur du jeune Darwin, qu’il initia à la botanique. Sans être darwinien, il s’était montré ouvert aux thèses de son ancien élève. Sa fille Frances épousa le meilleur ami de Darwin, Joseph Hooker.

12. Anglicanisme : l'anglicanisme est une confession chrétienne qui se veut à la fois catholique et réformée : catholique (mais non romaine) parce qu'elle se considère en continuité avec la succession apostolique, et réformée parce qu'elle adhère aux principes théologiques issus de la Réforme protestante. Son origine remonte à la décision du roi d'Angleterre Henri VIII, en 1534, de rompre avec le pape pour des raisons politiques et théologiques.

L’anglicanisme est présent principalement dans les pays de culture anglophone, à savoir le Royaume-Uni et les anciennes colonies britanniques.[ ]Le mot « anglicanisme » fut employé pour la première fois au XIXe siècle. En dehors de l'Angleterre, et notamment aux États-Unis, les anglicans sont parfois appelés « épiscopaliens ».

Le clergé anglican est représenté par des pasteurs et des évêques, qui ont le droit de se marier. Les femmes peuvent être pasteurs et même devenir évêques. Le principal personnage de l’anglicanisme est l’archevêque de Cantorbéry. Le souverain anglais est Gouverneur suprême de l’Église d’Angleterre.

13. Beagle : le HMS Beagle était un navire de la Royal Navy. Il fut lancé en mai 1820 depuis le port de Woolwich, sur la Tamise. Il fut ensuite transformé en navire de recherche, et prit part alors à trois grandes expéditions. Le tour du monde de Darwin, de 1831 à 1836, a eu lieu pendant la deuxième mission du Beagle, sous le commandement de Robert Fitzroy.

14. Robert Fitzroy (1805 - 1865) : ce grand marin aristocrate et irascible était le capitaine du Beagle pendant le voyage autour du monde de Darwin. Au moment du débat, auquel il participa dans le clan antidarwinien, il était amiral.

15. Frances Hooker (1825 – 1874) : fille de Henslow, Frances avait épousé Joseph Hooker, le meilleur ami de Darwin. Elle n’était pas une scientifique, et resta dans l’ombre de son père Henslow et de son mari Joseph Hooker.

16. Samuel Wilberforce (1805–1873) : évêque d’Oxford et doyen de Westminster. Samuel était le fils de William Wilberforce, l’homme qui avait été à l’origine de l’abolition de l’esclavage. Personnage clé du débat d’Oxford, violemment opposé aux thèses de Darwin.

17. Mouvement d’Oxford : mouvement lancé par le futur Cardinal Newman, qui entraîna la conversion de plusieurs de ses membres au catholicisme (les « papistes »), notamment les deux frères de Samuel Wilberforce.

18. Richard Owen (1804 – 1892) : superintendant du département d’Histoire naturelle du British Museum, et président en exercice de la B.A.A.S au moment du débat d’Oxford. Ce paléontologiste de renommé mondiale était « l’inventeur » de la famille fossile des dinosaures. Disciple de Cuvier, il a constamment refusé les idées transformistes et fut un adversaire virulent de Darwin. Sa bête noire était Thomas Huxley, avec lequel il était en désaccord sur tout, et en particulier sur la question des primates.

19. Georges Cuvier (1739 – 1832) : le plus célèbre paléontologiste français, dont la renommée était mondiale. Inventeur de l’anatomie comparée. Il fut un partisan inconditionnel du fixisme et du catastrophisme, et s’opposa de manière acharnée à Lamarck, dont il brisa la carrière.

20. Fixisme (vs Transformisme) : ce terme semble avoir été créé en 1894, par opposition au transformisme de Lamarck. Cette théorie, aujourd'hui abandonnée par la communauté scientifique, était défendue par Linné et Cuvier. Elle soutenait qu’il n'y a pas plus de transformation des espèces végétales ou animales que de modification de l'univers depuis sa création. Elle suppose que le monde dans lequel l'Homme vit est stable (créationnisme) ou revient toujours dans le même état selon des cycles.

Le créationnisme du XXème siècle est une résurgence du fixisme. La thèse opposée est le transformisme.

21. Carl von Linné (1707 – 1778) : naturaliste suédois qui a établi les bases du système de nomenclature binomale des espèces (chaque être vivant y est nommé en accolant les noms latins de l’espèce et du genre). Sa classification est « fixiste », et a constitué le modèle dominant jusqu’aux travaux de Lamarck, fondateur de la théorie transformiste. Bien que le fixisme soit abandonné, la nomenclature de Linné est toujours la seule utilisée de nos jours.

22. Thomas Henry Huxley (1825 – 1895) : brillant scientifique et athée notoire. C’est lui qui forgea le mot « agnostique ». Il fut l’un des premiers et des plus ardents défenseurs des thèses de Darwin (« le bouledogue de Darwin »). D’origine modeste, il fut le premier d’une longue lignée d’hommes célèbres. Aldous Huxley, l’auteur du Meilleur des mondes, était son petit-fils.

23. Joseph Dalton Hooker (1817 – 1911) : le premier partisan de Darwin et son plus fidèle ami. Botaniste de renom, il était le fils du grand botaniste William Jackson Hooker, auquel il succéda à la direction des jardins botaniques royaux de Kew (Kew Gardens). Au moment du débat, Joseph Hooker était le président en exercice de la Royal Society. Il avait épousé Frances, la fille du pasteur John Stevens Henslow.

24. Royal Society : son nom complet est Royal Society of London for the Improvement of Natural Knowledge, que l’on peut traduire par « Société royale de Londres pour l'amélioration des connaissances naturelles ». Cette prestigieuse société savante, l’équivalent de notre Académie des sciences, a été fondée en 1660, ce qui en fait la plus ancienne au monde.

25. Jean-Baptiste de Lamarck (1744 – 1829) : cet aristocrate français fut naturaliste, d’abord en botanique puis en zoologie. Il est l’auteur de la classification des invertébrés, et l’un des premiers à avoir utilisé le terme « biologie » pour désigner l’étude du vivant.

Il exposa sa théorie du transformisme des espèces dans son livre paru en 1809, Philosophie zoologiste.

Sa carrière fut barrée par Cuvier et ses disciples, et il mourut dans la misère. On peut le considérer comme le précurseur de Darwin.

26. Étienne Geoffroy Saint Hilaire (1772 – 1844) : naturaliste français qui fut l’un des tout premiers à développer une pensée évolutionniste. Professeur d’anatomie et de zoologie, il développa la notion d’homologie, complétée ensuite par Richard Owen.

27. Erasmus Darwin (1731 – 1802) : grand-père paternel de Darwin. Il était tout à la fois un médecin réputé, un botaniste, un inventeur et un poète. Les réflexions qu’il fit sur l’origine de la vie et son évolution ont préparé le terrain aux thèses de son petit-fils Charles.

28. Transformisme (vs Fixisme) : terme apparu en France en 1867, bien après la publication en 1809 du livre de Lamarck Philosophie zoologique. Cette théorie stipule que les espèces animales se transforment au cours de leur évolution pour s’adapter à leur milieu de vie. Le transformisme s’oppose au fixisme de Linné et Cuvier et prépare le darwinisme.

29.Variabilité : ce concept est le pilier de la construction de la théorie de Darwin. Selon lui, les espèces varient sans arrêt, et c’est sur cette variabilité qu’agissent le temps et la sélection naturelle.

30. Charles Lyell (1797 – 1875) : ce grand géologue écossais fut l’inventeur des termes « Éocène », « Miocène » et « Pliocène ». Son ouvrage Principes de géologie, paru entre 1830 et 1833, fut le plus important livre de géologie du XIXème siècle, et pas seulement au Royaume-Uni.

Il encouragea Darwin à exposer ses travaux lorsqu’il eut vent de ceux de Wallace, qui allaient dans le même sens.

Lyell popularisa la doctrine de l’uniformitarisme d’un autre géologue écossais, James Hutton.

Son épouse Mary, également géologue, joua un rôle important dans sa carrière.

31. Uniformitarisme : théorie géologique émise par James Hutton puis Charles Lyell, qui repose sur un temps géologique très long et sur l’hypothèse d’une Terre en formation perpétuelle. Cette théorie s’oppose au catastrophisme de Cuvier et de Buckland. Au moment du débat, on ne parlait pas d’uniformitarisme mais de gradualisme. Le premier terme a vu le jour en 1904.

32. Catastrophisme : c’est le nom de l’ancienne théorie géologique, défendue par Cuvier et Buckland, qui suppose que les transformations des reliefs se sont produites de manière brutale lors de grandes catastrophes géologiques comme le déluge biblique. Cette théorie avait bien entendu les faveurs de l’Église.

33. Créationnisme : il s’agit d’une doctrine sectaire provenant d’une lecture fondamentaliste de la Bible. Elle est en accord avec la théorie du catastrophisme. Le terme, inconnu au moment du débat, est apparu au milieu du XXème siècle, aux États-Unis.

34. Alfred Russel Wallace (1823 – 1913) : naturaliste, géographe et explorateur qui élabora, au cours de ses voyages d’études, une théorie très proche de celle de Darwin, dont il reconnut toujours la supériorité scientifique et l’antériorité des travaux.

35. Herbert Spencer (1820 – 1903) : l’un des fondateurs de la sociologie comme science humaine. Il fut très tôt un adepte de la théorie de l’évolution, mais ne comprit jamais vraiment les thèses de Darwin, car il défendait la notion de progrès des espèces développée par Lamarck. Il fut le créateur de l’expression « sélection des plus aptes », que réfutait Darwin. Cette théorie fut en partie cause de la malencontreuse dérive de la théorie de Darwin vers le « darwinisme social » (le « spencérisme »).

36. Clémence Royer (1830 – 1902) : cette philosophe française, féministe et libre-penseuse, fut la traductrice de la première édition française du livre de Darwin. Sa traduction, parue en 1862, était basée sur la troisième édition du livre. Sa traduction, le sous-titre choisi « Des lois du progrès chez les êtres organisés », et surtout sa préface, qui préfigurait le darwinisme social, déplurent fortement à Darwin qui souhaita changer de traducteur.

37. Darwinisme social

Ce terme désigne toute théorie qui prétend pouvoir appliquer aux sociétés humaines la théorie de l’évolution des espèces. L’anarchiste français Émile Gautier l’utilisa le premier dans une brochure publiée en 1880, portant ce titre et destinée à combattre cette thèse. L’expression darwinisme social est toujours utilisée dans un sens péjoratif, et n’a jamais été revendiquée par les adeptes des théories qui lui sont associées, qui conçoivent la « lutte pour la vie » chez les humains comme devant aboutir à la « survie des plus aptes », avec, comme corollaire, l’élimination des moins aptes par la sélection naturelle.

Cette théorie, développée en particulier par Herbert Spencer, est à l’origine de dramatiques dérives vers l’eugénisme, notamment sous l’influence du cousin de Darwin, Francis Galton (1822 – 1911), puis vers le racisme du régime nazi.

38. Benjamin Waterhouse Hawkins (1807 – 1889) : sculpteur naturaliste, connu pour avoir réalisé les premières sculptures de dinosaures, selon les indications de Richard Owen.

39. The Quarterly Review (la Revue trimestrielle) : revue créée en 1809 par l’éditeur londonien de Darwin, John Murray, pour contrecarrer l’influence de la revue écossaise The Edinburgh Review, à laquelle collaborait Chambers. The Quarterly Review, qui a paru jusqu’en 1967, était de tendance conservatrice (Tory), alors que sa rivale écossaise était libérale (Whig). De nombreuses personnalités des mondes politique, scientifique et religieux s’y exprimaient.

40. Emma Darwin ( 1808 - 1896) : Emma Wedgwood, qui était la cousine germaine de Darwin, l’épousa en 1839. Ils eurent dix enfants, dont deux moururent en bas âge, et Annie qui décéda à l’âge de 10 ans. Personnage discret, d’une foi profonde, elle s’occupait de l’éducation artistique et religieuse de leur progéniture.

41. La Fécondation des orchidées : premier livre de Darwin paru à la suite de L’origine des espèces, en 1862, qui renforça la théorie de l’évolution.

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