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Trois essayistes : Klein, Leys et Todorov (1)

Dernière mise à jour : 18 janv. 2020

Si d’aventure quelqu’un, qui aurait connaissance de mon addiction à la lecture, me demandait quel est le genre de livres que je préfère lire, ma réponse serait certainement la suivante : je lis essentiellement des essais. Et si la même personne me demandait quel genre je choisirais si je voulais écrire un livre, ma réponse serait la même : j’écrirais un essai, plutôt qu’un roman, genre que je ne me sens pas capable d’aborder. Et d’ailleurs, ces petits billets que je publie sur ce blog que vous êtes en train de consulter, et que je qualifie de « propos », relèvent (hormis mes fictions médicales, qui sont des nouvelles) du genre de l’essai, mais en miniature. Si je les réunissais pour en faire un livre, celui-ci appartiendrait à n’en point douter à mon genre préféré, celui de l’essai (ou du spicilège). Mais cette hypothèse n’est pas d’actualité. Peut-être un jour ?

Ma réponse risquerait d’embarrasser mon interlocuteur, qui pourrait ne pas savoir exactement ce qu’est un essai. Or donc, qu’est-ce qu’un essai ? Excellente question, à laquelle je vais essayer de répondre, ce qui me donnera l’occasion de vous parler de trois auteurs que j’aime tout particulièrement, trois essayistes dont les livres, une bonne dizaine pour chacun de ces trois écrivains, sont des fleurons essentiels de ma bibliothèque.


Un essai est un ouvrage de type argumentatif, écrit en prose, dans lequel l’auteur, qualifié d’essayiste, développe une réflexion, expose une opinion ou un point de vue personnel sur n’importe quel sujet de son choix, dont la liste est infinie. Personnellement, puisque je revendique ma subjectivité, mes sujets de prédilection en matière d’essais sont la littérature, la musique, la philosophie, la vulgarisation scientifique (thèmes classés non pas par ordre d’intérêt personnel, mais, plus prosaïquement, par ordre alphabétique). Curieusement, la médecine ne fait pas partie de mes thèmes favoris, si ce n’est par le biais de l’éthique médicale.

Un essai est destiné à donner un éclairage subjectif, celui de l’essayiste, sur un sujet donné, sans chercher à l’épuiser, auquel cas il s’agirait d’un traité. Ce qu’il y a de bien avec l’essai, c’est qu’aucune règle ne le régit. C’est l’auteur qui fixe ses propres règles. Et n’importe qui peut devenir essayiste, du moment qu’il pense avoir quelque chose d’intéressant à dire sur un sujet qu’il croit maîtriser. Publier un essai, c’est autre chose, car ce n’est pas le genre de livres qui peut se transformer en bestseller, et la publication d’essais fait un peu peur aux éditeurs, sauf si l’auteur est déjà connu. L’essayiste peut être un artiste, un critique, un journaliste, un politicien, un scientifique, voire un médecin comme moi, et parfois même un romancier. Mais quand bien même il serait écrit par un écrivain célèbre et qu’il ne traiterait que de littérature, un essai n’en serait pas pour autant un genre littéraire en soi. Par exemple, les écrits antisémites de Céline sont des essais ; mais, sur le plan littéraire, ce sont des pamphlets.


Personnellement, les trois qualités que je préfère trouver dans un essai sont la clarté (pas de jargon), la concision (pas de répétition ad nauseam) et la qualité de la langue, ce que, pompeusement, on pourrait appeler le style de l’auteur, que je préfère très nettement de facture classique. Le style d’un essayiste a pour moi autant d’importance que celui d’un romancier.

Un essai peut traiter de sujets variés, notamment ceux qui sont constitués par la réunion d’articles du même auteur (je pense en particulier aux Propos du philosophe Alain ou de notre contemporain André Comte-Sponville), ou, au contraire, se concentrer sur un sujet unique ; l’essai se transforme alors en monographie. Un essai peut être polémique, et ne pas se soucier de la vérité historique ou scientifique. Quand à l’inverse l’auteur revendique cette vérité, l’essai devient une étude. Si celle-ci porte sur la vie d’un personnage, il s’agit alors d’une biographie.


Michel de Montaigne

Nul n’ignore que le premier auteur à avoir abordé ce genre particulier est Montaigne, avec ses fameux « Essais », qui représentent l’alpha et l’oméga du genre, puisque, l’ayant créé, il l’a porté d’emblée à un point de perfection insurpassable. Il existe deux types d’édition des Essais : dans la langue originale de Montaigne, ou traduits en français moderne. Les érudits préfèreront toujours la première solution, et tous les autres, moi compris, la seconde, car il est difficile de prendre du plaisir à lire un texte qui requiert un minimum d’attention si l’on doit recourir en permanence au dictionnaire. Et je ne parle même pas des trois versions différentes : l’édition posthume de 1595, celle de 1588, la dernière publiée du vivant de Montaigne, ou encore l’exemplaire de Bordeaux. Tout ceci est affaire de spécialistes.


Je signale que les termes « essai » et « étude » sont également utilisés en médecine, mais plutôt comme synonymes : étude clinique ou essai clinique, c’est exactement la même chose.


J’aimerais donc, comme indiqué dans le titre de ce propos, mettre un coup de projecteur sur trois essayistes que j’apprécie tout particulièrement, Étienne Klein, Simon Leys et Tzvetan Todorov, chacun dans un genre différent. Les deux derniers cités sont morts ; seul le premier est bien vivant. Mais pour ne pas alourdir ce billet, l’étude de ces trois essayistes fera l’objet de deux prochains propos.


Dr C. Thomsen, octobre 2019

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