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Conan Doyle et Somerset Maugham

Dernière mise à jour : 1 févr. 2020

Dans la série de billets consacrée aux médecins-écrivains morts, j’aimerais donner dun coup de projecteur sur deux écrivains britanniques très célèbres, sir Arthur Conan Doyle et William Somerset Maugham, dont les lecteurs ne savent pas nécessairement qu’ils furent aussi médecins.

Le premier fut un médecin sans patient, mais un écrivain couvert de lecteurs et de gloire. Le second, auteur de « nouvelles pour dames », comme dit la chanson d’Alain Souchon, eut aussi son heure de gloire, mais son œuvre est actuellement au purgatoire des écrivains. La médecine fut le cadet de ses soucis…


Sir Arthur Conan Doyle (1859 – 1930)


Sir Arthur Conan Doyle

Nul n’ignore que le nom d’Arthur Conan Doyle est celui du créateur d’un des personnages les plus célèbres de la littérature policière mondiale, le génial et très extravagant détective privé Sherlock Holmes, virtuose de la déduction à partir d’indices invisibles pour les autres, violoniste amateur et héroïnomane occasionnel par ennui entre deux enquêtes, et de son frère Mycroft, au cerveau tout aussi fertile. Il faut ajouter à ces deux héros positifs leur meilleur ennemi, le machiavélique Pr Moriarty, ainsi que le fidèle second de Sherlock, le peu perspicace Dr Watson, lequel s’entend répondre invariablement, quand il demande à son illustre ami comment lui est venue la solution d’une énigme, la phrase devenue culte « élémentaire, mon cher Watson», passée dans le langage courant.

Les aventures de Sherlock Holmes sont d’ailleurs censées avoir été colligées par l’indispensable Watson, comme cela sera transposé dans la magnifique mini-série télévisée britannique les Mystères de Sherlock Holmes. Le héros de la série, le Dr Joseph Bell, superbement interprété par le grand acteur britannique Ian Richardson, est inspiré d’un des professeurs de l’étudiant Conan Doyle à la faculté de médecine d’Edimbourg, sa ville natale. Le Docteur Doyle, qui vient d’ouvrir un cabinet médical et dispose de pas mal temps libre puisqu’il manque singulièrement de patientèle, l’assiste dans ses enquêtes, comme le fera plus tard le Dr Watson. Le vrai Dr Arthur Conan Doyle connut le même insuccès lorsqu’il ouvrit un premier cabinet médical à Plymouth en 1882, puis un cabinet d’ophtalmologie à Londres en 1890, après avoir étudié cette spécialité à Vienne.

Une autre adaptation télévisuelle britannique récente, intitulée tout simplement Sherlock, nous entraîne à l’époque actuelle. Le détective, dont le cerveau fonctionne à toute vitesse, tel un ordinateur quantique, est joué par le surprenant Benedict Cumberbatch, (qui interprète également de façon magistrale Alan Turing dans Imitation game). Et il est assisté par le Dr Watson, vétéran de la guerre en Irak, pendant laquelle il a été blessé, ce qui lui a laissé comme séquelle une claudication camouflée plus ou moins par l’usage d’une canne.


Mais il serait injuste de réduire notre auteur à ce seul personnage, héros de quatre romans et de cinq recueils de nouvelles. Conan Doyle mettait ses romans historiques nettement au-dessus des aventures de Sherlock Holmes. Et c’est pour s’y consacrer pleinement qu’il décida de faire disparaître son héros, en même temps que le Pr Moriarty, dans une nouvelle intitulée Le dernier problème. Mais, sous la pression amicale et néanmoins pressante de ses lecteurs, et aussi parce que l’argent venait à manquer, il fit réapparaître Sherlock Holmes dix-huit ans plus tard, dans le très célèbre Chien des Baskerville, créature qui me terrifiait quand j’étais enfant.

Pour revenir à la médecine, la thèse de Conan Doyle portait sur le tabes dorsalis, forme nerveuse de la syphilis tertiaire, dont souffriront (au vrai sens du terme, car c’est une affection particulièrement douloureuse) quelques écrivains connus comme Alphonse Daudet ou Heinrich Heine.


En définitive, Conan Doyle fut un médecin sans patients, et le créateur, à son corps défendant, d’un personnage inoubliable. En revanche, ses romans historiques, qu’il chérissait tant, n’étaient pas inoubliables, puisqu’ils sont complètement sortis des mémoires. Curieux destin.


William Somerset Maugham (1874 – 1965)


Somerset Maughan

William Somerset Maugham, cet auteur au patronyme si difficile à prononcer pour un gosier français (ah cette dernière syllabe !), jadis très lu et fêté, est un peu oublié de nos jours, malgré la chanson éponyme d’Alain Souchon, dans laquelle le refrain dit :

Comme dans ces nouvelles pour dames

De Somerset Maugham.

Ses parents vivaient à Paris, de sorte que c’est dans cette ville qu’il est né. Mais ils s’étaient organisés pour que la naissance ait lieu à l’ambassade de Grande Bretagne*, de sorte qu’il est né citoyen britannique. Le français a été sa langue maternelle, et il fut élevé dans un univers parisien bourgeois privilégié et cultivé évoquant le milieu familial de Proust, auteur dont il partageait les orientations sexuelles.

Sa mère adorée meurt de la tuberculose alors qu’il n’a que huit ans, et son père deux ans plus tard, d’un cancer. Dès lors l’orphelin sera élevé par un oncle paternel dans le Kent, et il vivra de nombreuses années en Angleterre. C’est dans ce pays qu’il décrochera son diplôme de docteur en médecine, métier qu’il ne semble pas avoir réellement exercé, préférant vivre de sa plume prolifique (mais pas nécessairement prolixe ; c’est affaire de goût). Il fait la connaissance d’Oscar Wilde, qu’il admire. Les sérieux démêlés judiciaires de ce dernier liés à son homosexualité inciteront Somerset Maughan à vivre ses propres aventures sexuelles hors d’Angleterre, et notamment en France (pays dans lequel s’installera Oscar Wilde à sa sortie de prison, pour y finir sa vie).


Sur le plan littéraire, sa production est très abondante, comportant des romans, des pièces de théâtre, mais surtout des nouvelles, genre dans lequel il excelle, en bon admirateur de Maupassant. Elles ont été éditées en français et en intégralité, et sont toujours disponibles.

Sa vie fut aussi une sorte de roman, parsemée de nombreux voyages. Il fut même agent secret pendant la Grande Guerre ! Il est mort âgé de 91 ans dans sa villa de Saint-Jean-Cap-Ferrat.

Ses œuvres ont souvent été adaptées au cinéma, mais, curieusement, avec un purgatoire entre 1964 et 2000. Parmi les plus récentes, on peut citer Adorable Julia, avec Annette Bening et Jeremy Irons, acteur que j’admire infiniment.


*Il est amusant de noter que l’ambassade britannique porte le nom d’ambassade de Grande Bretagne, alors que le nom officiel du pays est le Royaume-Uni.


Dr C. Thomsen, janvier 2020

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