Il y a la littérature médicale et la littérature tout court. Il arrive à certains médecins de passer de la première à la seconde, et, souvent, d’être plus connus comme écrivains que comme médecins.
Quand un médecin se fend d’un article sur un sujet médical, il commet un acte de « littérature médicale », destiné à n’être lu que par ses pairs. Les règles actuelles de rédaction de ce type d’articles interdisent d’y instiller quelque soupçon de littérature que ce soit. Si c’est écrit en bon français, tant mieux, mais ce n’est même pas une obligation, tant le franglais tient le haut du pavé dans ce domaine. Cependant, certains médecins ont une véritable œuvre littéraire à leur actif, à condition, le plus souvent, d’être sortis de la médecine en général et de la littérature médicale en particulier. Mais il y a de glorieuses exceptions, des écrivains qui ont continué toute leur vie d’exercer la médecine, notamment Céline. Et l’on est souvent surpris d’apprendre que de grands écrivains, connus comme tels, ont été médecins à un moment de leur vie.
En fait, il faut clairement distinguer les « vrais » écrivains, dont les écrits traitent de toute autre chose que de médecine, notamment parce qu’en général ils ne la pratiquent plus au moment où ils écrivent, de ceux dont l’œuvre littéraire ne sort pas de leur domaine de compétence médicale, qu’ils n’ont jamais quitté, comme c’est le cas pour Freud (la psychanalyse et la philosophie), Georges Canguilhem (l’épistémologie), Françoise Dolto (la pédopsychiatrie), ou encore, parmi les vivants, le psychiatre et psychanalyste américain Irvin Yalom, dont l’essentiel de l’œuvre romanesque, dont la lecture est fascinante, tourne autour de la psychanalyse. Un cas particulier dans cette liste de médecins-écrivains, ou d’écrivains-médecins, est celui d’Henri Mondor, qui a exercé toute sa vie la chirurgie au plus haut niveau et écrit des livres importants traitant de ce sujet tout en produisant des travaux littéraires de haute volée axés sur l’œuvre de Stéphane Mallarmé. Quand un médecin entre à l’Académie française, comme ce fut le cas pour Henri Mondor, Georges Duhamel ou Jean-Christophe Rufin, c’est en règle générale en tant qu’écrivain. Mais il n’en reste pas moins qu’Henri Mondor est plus connu comme médecin qu’écrivain. Quant à Georges Clémenceau, difficile de le classer parmi les écrivains, car son œuvre littéraire est tombée dans l’oubli. Mais combien d’entre vous savent qu’il était médecin ?
Citons ce propos de Céline, le plus célèbre des écrivains-médecins, tenu lors d’un déjeuner chez Lucien Descaves, et rapporté par Carlo Rim : « Ce qui est sûr, c’est que je ne deviendrai jamais un toubib-littérateur ou un littérateur-toubib, comme MM. Duhamel, Durtain (dont je n’ai personnellement jamais entendu parler), ou Mondor ! Merde, Dieu m’en garde ! ». On comprend que Céline et le Dr Destouches sont bien deux personnes différentes. On peut adorer l’écrivain, estimer le médecin des pauvres, et détester l’être humain.
Dans les prochaines publications, les lecteurs de ce blog trouveront des notices consacrées à un certain nombre d’écrivains-médecins célèbres, qu’ils soient d’expression française, anglaise, allemande ou russe, ayant tous comme point commun d’être des écrivains morts. Les vivants disposent d’un site qui leur est dédié : http://www.ecrivains-medecins.fr/
Dr C. Thomsen, septembre 2019
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